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Sommaire

Les sucres du Grand Khong


Exposition du problème

Tjiuuuuu trrrrrr kluk… Vous voici sur un étrange balkhong recouvert de flokhongs. Un Gaskhong au teint rubikhong avec un faukhong sur l'épaule boit goulûment à même un flakhong de cristal. Puis il vous tend un document abskhong…

Tous les matins, le Grand Khong mettait exactement sept sucres et demi dans son café au lait. Ce n'est pourtant pas qu'il eût un goût particulier pour le sucre. Son médecin lui avait d'ailleurs formellement déconseillé le sucre, qui était mauvais pour son diabète. Il lui avait également déconseillé le café, qui faisait monter sa tension, le lait, qui lui donnait du cholestérol (en fait le médecin n'avait pas vraiment dit « diabète » ni « cholestérol », mais là, on vous fait une version doublée et colorisée), et des tas d'autres choses sous les prétextes les plus divers, si bien que le Grand Khong l'avait fait exécuter. Cela l'avait d'ailleurs beaucoup amusé (le Grand Khong, pas le médecin), et cela tombait bien vu qu'il (le médecin) lui avait recommandé de rire souvent (au Grand Khong), car c'était bon pour son cœur et arrêtez de m'interrompre tout le temps.

Mais en ces temps reculés et en ces lieux incertains, le sucre était une denrée rare et chère, considérée comme un attribut de pouvoir et une preuve de noblesse. Le Grand Khong se devait de tenir son rang et avait donc décoré sa salle à manger avec 666 boîtes de sucre, que des serviteurs étaient chargés de maintenir pleines en permanence. Histoire de leur compliquer un peu la vie, il tirait au sort chaque matin (avec un dé à 666 faces) le numéro de la boîte où il prenait ses sucres. Si elle ne contenait que des sucres entiers, il en cassait un en deux et remettait la moitié restante dans la boîte ; si elle contenait déjà un demi-sucre, il le prenait. Quand ils remplissaient la boîte, les serviteurs avaient pour instruction de laisser le demi-sucre, s'il y en avait un dans la boîte, sur le dessus. Le Grand Khomptable avait pour mission de superviser le travail des serviteurs, afin d'éviter qu'ils ne dérobassent un demi-sucre, voire un morceau entier, on ne peut vraiment faire confiance à personne !

Un jour, il fit remarquer au Grand Khong : « Tiens, c'est amusant, il y a exactement 111 demi-sucres dans les boîtes. » Le Grand Khong le gratifia d'un regard vitreux : il ne voyait pas ce que cela pouvait avoir d'amusant. Sauf que « amusant » lui rappelait son médecin, et que justement cela lui donnait des idées pour le Grand Khomptable.

Interprétant sans doute mal la lueur d'intérêt qui illumina alors le visage du Grand Khong, le Grand Khomptable continua : « Oui, parce qu'au début, il n'y avait pas de demi-sucre. Le soir du premier jour, il y en avait un c'est sûr. Le soir du deuxième jour, il pouvait y en avoir deux, le troisième jour jusqu'à trois, etc. D'ailleurs c'est un problème particulièrement amusant. Par exemple, le soir du 123 456 789e jour, la probabilité pour qu'il y ait exactement 333 demi-sucres sera de… ». Là, le Grand Khomptable s'arrêta net. La répétition du mot « amusant » avait définitivement sorti le Grand Khong de sa torpeur, et le sourire cruel qu'il arborait à présent laissait peu de place au doute quant à ses intentions… « Bon ce n'est pas le tout, j'ai un tas de blé dans la cour… » lâcha le Grand Khomptable alors qu'il refermait déjà la porte derrière lui. C'est bien connu, la prudence est une des premières qualités de tout Khomptable.

Quelle est la probabilité pour qu'au soir du 123 456 789e jour, les 666 boîtes du Grand Khong contiennent un nombre de demi-sucres (déjà coupés, donc) valant exactement 333 ? Et le soir du 1 234 567 890e jour ?

(Source : Enigmyster)



La solution

Prologue

Le problème des sucres du Grand Khong peut est décrit de manière alternative selon une allégorie mystico-sibylline du ploutocrate sortant d'un pandémonium de sybarites dévoyés où il a croisé quelque échanson dionysiaque, et qui cherche à rejoindre bon an mal an son gynécée.
Modélisation :

point A = pandémonium, point B = gynécée, distance de A à B = 666 m.

À chaque mètre parcouru, le ploutocrate se pose le problème cornélien suivant : doit-il faire un mètre en avant ou un mètre en arrière ? Le choix est fait au hasard. La question posée est la suivante : en lui imposant la règle de rebrousser chemin dès que l'un des deux points A et B est atteint (il oscille donc entre A et B), quelle est la probabilité que le ploutocrate se trouve à 333 m de A (ou de B) au bout de 123 456 789 pas (d'un mètre) ? au bout de 1 234 567 890 pas ?
(NDLR : la réponse à la deuxième question est triviale ! En revanche, celle de la première l'est nettement moins… )

C'est la célèbre marche aléatoire du dipsomane impénitent (i.e. ivrogne) ou du périssodactyle capricant (i.e. bourrin), ou encore du sphéniscidé claudiquant (i.e. manchot)… Dans le cas de la marche aléatoire classique, les probabilités d'aller en avant ou en arrière sont constantes au cours du temps. Dans notre problème, elles dépendent de la position du ploutocrate au ke pas sur une totalité de N pas :

Il s'agit du modèle d'urnes d'Ehrenfest (utilisé en thermodynamique pour étudier les échanges thermiques), c'est une chaîne de Markov célèbre.


La solution

(Voir l'article complet au format PDF)