Lumières, couleurs et autochromes

La lumière et les couleurs

La lumière visible est un rayonnement électromagnétique. Nous baignons dans une multitude de ces rayonnements: le rayonnement solaire, les rayons infra-rouges de nos radiateurs, les rayonnements des téléphones portables, des émetteurs radio et télévision, les rayons X utilisés en radiographie… La lumière visible est une petite partie de cette vaste famille. Donnons une idée de la notion d’onde électromagnétique en la comparant à celle d’onde sonore.

Une onde sonore (aérienne) est une vibration de l’air se propageant dans l’atmosphère qui nous entoure. Pour être un peu plus précis, c’est une oscillation de la pression de l’air autour de sa valeur moyenne c’est à dire de la pression atmosphérique environnante. La pression atmosphérique, créée par le poids de l’air au dessus de nos têtes, est d’environ 1000 millibars.

Une caractéristique essentielle d’une vibration est sa fréquence, le nombre d’oscillations effectuées chaque seconde. L’unité de fréquence est le hertz, noté Hz, en l’honneur du physicien Heinrich Rudolf Hertz. La tige du diapason utilisé pour donner le la à nos instruments de musique, oscille 440 fois par seconde autour de sa position d’équilbre. La fréquence du la est donc 440 Hz. Lorsque nous entendons ce son, la pression de l’air sur nos tympans augmente jusqu’à une valeur maximum, puis décroît jusqu’à une valeur minimum, pour revenir à sa valeur moyenne. Le tympan est ainsi soumis à une force dont la direction alterne, de l'intérieur vers l'extérieur, puis de l'extérieur vers l'intérieur, ceci 440 fois par seconde comme la tige du diapason. L’amplitude de cette oscillation est très faible. Les sons les plus intenses que nous supportons sans ressentir de douleur correspondent à une amplitude de la variation de pression de l’ordre de 0.1 millibar. Ainsi, pour un volume sonore au seuil de la douleur, la pression atmosphérique oscille entre les valeurs 999.9 mb et 1000.1 mb. La fréquence d’un son détermine sa hauteur, c’est à dire son caractère plus ou moins aigu. Les sons de fréquence inférieure à 30 Hz sont trop graves pour être audibles, et, ceux de fréquence supérieure à 20 000 Hz sont trop aigus pour être entendus. L’amplitude des variations de pression correspond au volume sonore, c’est à dire à une puissance.

gong.png Vitesse de propagation du son. Si je frappe le gong représenté ci-contre, le son produit ne se répand pas instantanément dans tout l’environnement. Il se propage à la vitesse d’environ 300 m/s. Une personne située à 300 m de moi entendra le coup de gong une seconde après la percussion. Si le bruit du tonnerre me parvient 10 s après l’éclair, la foudre est tombée à 10 x 300 m = 3 km.

Longueur d'onde. Elle se mesure en mètres, et sa valeur se calcule très simplement à partir de la vitesse de propagation du son et de la fréquence par la formule

longueur d'onde = vitesse/fréquence

Ainsi la longueur d’onde du son émis par le diapason, de fréquence 440 Hz, est 300/440 = 0.68 m. Si on connait la fréquence d’une onde et sa vitesse de propagation on connait sa longueur d’onde, et inversement. Nous avons introduit cette notion pour que le lecteur ne soit pas pris au dépourvu en lisant ce terme. A tout phénomène ondulatoire est associée une fréquence et une longueur d’onde. Pour avoir une idée de ce qu’est la longueur d’onde pensez à un autre phénomène ondulatoire, la houle des océans, qui est l’oscillation du niveau de l’eau autour de sa valeur moyenne. La longueur d’onde est la distance entre les crêtes des vagues. Longueur d’onde et fréquence sont 2 facettes d’une même notion. Nous préférons mettre en avant la notion de fréquence que tout le monde comprend. Retenez que plus la fréquence est élevée plus la longueur d’onde est courte.

Rayonnement électromagnétique. Une onde sonore est la propagation dans l’air d’une oscillation de la pression autour de sa valeur moyenne. Une onde électromagnétique est la propagation dans l’espace de l’oscillation d’un champ électrique. Alors que les vibrations sonores se propagent à la vitesse de 300m/s, toutes les ondes électromagnétiques se propagent dans le vide (mais aussi dans l’air) à la vitesse de 300 000 km/s. Comme dans le cas des ondes sonores on définit la longueur d’onde d’une onde électromagnétique par la formule

longueur d'onde = vitesse/fréquence

Ainsi pour une fréquence de 300 000 000 Hz (300 millions d’oscilllations par secondes) la longueur d’onde est 300 000 000 / 300 000 000 = 1m. Le tableau de la figure 1 donne les caractéristiques de quelques rayonnements éléctromagnétiques et montre l’extrême diversité des fréquences (et donc des longueurs d’ondes) des ondes électromagnétiques.

Fig 1: Quelques exemples de rayonnements (Wikipedia)

Nos yeux détectent les ondes électromagnétiques, mais une toute petite part d’entre elles, celles dont la longueur d’onde est comprise entre 380 et 760 nm (un nanomètre, noté nm, est un millionième de mm). Ce sont ces ondes qu’on appelle les ondes lumineuses. Les fréquences correspondantes sont très élevées, environ 1 million de milliards d’oscillations par seconde (c'est à dire 1000 milliards de fois les fréquences des sons). Chacune de ces longueurs d’ondes éveille en nous une sensation de couleur. Les couleurs correspondant aux diverses longueurs d’onde sont représentées sur la figure 2 ci-dessous. Certains les appellent les couleurs primaires mais nous n’utiliserons pas ce mot, qui, employé avec au moins trois significations complètement différentes, prête à toutes sortes de confusions. Nous appelerons ces couleurs les couleurs spectrales, ou pour utiliser un langage que tout le monde comprend, les couleurs de l’arc-en-ciel.

Fig 2: Les couleurs de l'arc-en-ciel, et leurs longueurs d'onde

Dans le cas des ondes sonores, la fréquence mesure le caractère plus ou moins aigu du son. Les sons de basses fréquences sont les sons graves, les sons de hautes fréquences les aigus. Pour les ondes lumineuses la fréquence correspond à une sensation de couleur. Les couleurs de basses fréquences sont les couleurs rouges, les hautes fréquences les bleus et violets.

Les ondes monochromatiques sont des objets idéaux

Fig 3: Faisceau quasi monochromatique d’un laser jaune

Dans ce qui précède nous n’avons considéré que des rayonnements de longueur d’onde bien définie. Un tel rayonnement est un idéal qu’on peut approcher de très près, sans jamais pouvoir l’atteindre. On l’appelle rayonnement monochromatique. Aujourd’hui, les lasers émettent des rayonnements quasi monochromatiques. Mais une onde lumineuse est toujours une superposition d’ondes monochromatiques. Par paresse, on utilisera l'adjectif monochromatique pour qualifier un rayonnement presque monochromatique.

Pour le physicien la couleur d’un rayonnement c’est son spectre: c’est à dire le diagramme faisant apparaitre la composition de ce rayonnement : il visualise pour chaque longueur d’onde la quantité d’énergie lumineuse reçue dans cette longueur d’onde. Le spectre d’un rayonnement lumineux, c’est la recette qui permet de l’obtenir, ou plutôt la liste des ingrédients dont il est composé.

Fig 4: Une onde d’énergie 45 watt/m2 : 10w de violet, 15w de vert, 20w de rouge

La figure 4 montre un tel spectre. L’axe horizontal correspond aux longueurs d’onde exprimées en nanomètres. L’axe vertical est gradué en w/m2/nm. Chacun des 9 rectangles colorés ci-dessous a une largeur de 50nm, et une hauteur de 0.1 w/m2/nm. Sa surface représente donc une énergie de rayonnement de valeur 50 x 0.1 = 5 w/m2. Ce spectre est celui d’une onde lumineuse dont la puissance de rayonnement sur une surface de 1 m2 est 9 x 5w = 45w, se décomposant en 10w de rayonnement bleu, 15w de rayonnement vert et 20w de rayonnement rouge.

Le spectromètre est l’appareil qui, recevant un rayon lumineux, calcule son spectre. Quelles sont les composantes de la lumière blanche du soleil qui parvient jusqu’à nous après avoir traversé l’atmosphère? Envoyons ce rayonnement sur un spectromètre. Nous obtenons le spectre ci dessous:

Fig 5: Le spectre de la lumière blanche que nous recevons du soleil

Ce diagramme montre que la lumière solaire est une somme de rayonnements de toutes les longueurs d’ondes entre 380nm et 780nm. Mesurée en nanomètres, la largeur de la zone colorée est environ 400. Sa hauteur, mesurée en (watt/m2) par nanomètre est environ 1.2. La puissance totale de ce rayonnement est donc environ 400nm x 1.2 w/m2/nm = 480 w/m2. Que la lumière blanche du soleil soit somme des diverses lumières de l’arc-en-ciel est bien connu depuis des siècles. Cette idée s’est dégagée par les observations de l’arc-en-ciel, ou encore d’un faisceau lumineux dont les diverses composantes se séparent lorsqu’il traverse un prisme de verre. Il faut savoir que le rayonnement visible du soleil ne représente qu’une petite moitié du rayonnement solaire total. La puissance de rayonnement qui nous arrive du soleil est d’environ 1000 w/m2. Le rayonnement invisible est constitué pour la plus grande part de rayonnement infra-rouge et aussi d’un peu de rayonnement ultra-violet.

Fig 6: Le spectre quasi-monochromatique du laser de la figure 3

A l’opposé du spectre de la lumière blanche, le cercle du rayonnement émis par un laser est très étroit et très haut. Si nous envoyons, par exemple, le rayonnement du laser jaune de la figure 3 vers un spectromètre, nous obtiendrons un spectre semblable à celui-ci, concentré sur une étroite bande au voisinage de la longueur d’onde 592 nm.

projo.png Notre vision des couleurs est-elle fiable ? Considérons le projecteur jaune dessiné ci-contre et soumettons sa lumière au spectromètre. Nous attendons un spectre proche de celui du laser jaune ci-dessus… Et, surprise… voici le spectre que nous obtenons.

Fig 7: Le spectre du projecteur jaune

La lumière jaune de ce projecteur est la superposition de deux lumières presque monochromatiques, l’une verte et l’autre rouge. Les rayonnements du laser jaune et celui du projecteur sont donc très différents l’un de l’autre. Une conclusion s’impose : Nos yeux manquent singulièrement de discernement, puisque ces deux rayonnements, de compostions très différentes, nous procurent la même sensation!

Fig 8: Sensiblité des trois types de cônes en fonction de la longueur d’onde (Wikipedia)

On sait maintenant que l’oeil perçoit les couleurs par l’intermédiaire de cellules photosensibles appellera donc les cônes rouges. Les cônes de la deuxième catégorie sont plus sensibles à la lumière verte. Enfin les cônes bleus sont ceux dont le maximum de sensibilité est atteint pour les rayonnements bleus. Il faut bien comprendre ici que la notion de couleur n’a aucun sens pour les cônes. Qu’il soit rouge, vert ou bleu, chacun d’eux ne transmet au cerveau qu’un influx nerveux, c’est à dire un signal électrique, plus ou moins intense.

Pourquoi jaune = vert + rouge. Quelle sensation éveille en nous une lumière jaune bien lumineuse, comme, par exemple celle du laser de la figure 3 ? Il n’y a pas de cônes très sensibles à la couleur jaune. Mais les cônes rouges et verts y sont modérément sensibles. Un jaune bien lumineux provoque donc une excitation moyenne des cônes rouges. De même il provoque une excitation moyenne des cônes verts. La longueur d’onde du jaune est assez éloignée de celle du bleu, les cônes bleus ne sont donc pas excités. Les cônes verts et les cônes rouges envoient donc au cerveau le message “ nous percevons un phénomène lumineux d’intensité moyenne ", tandis que les cônes bleus envoient le message " nous ne ressentons à peu près rien “. C'est exactement le même signal qui parvient au cerveau quand nos yeux reçoivent la lumière vert + rouge émise par le projecteur jaune. Il ne peut donc pas distinguer ces deux rayonnements.

En 1807, bien avant la découverte des cellules cônes de nos yeux, Thomas Young découvre que trois couleurs monochromatiques, le rouge, le vert et le bleu, suffisent pour obtenir par addition toutes les sensations de couleurs. Et, mieux encore, pour une sensation de couleur donnée, il n’existe qu’une combinaison possible de rouge de bleu et de vert provoquant cette sensation. Young imagine que ceci pourrait être dû à la présence de trois sortes de cellules photo-sensibles intervenant dans le phénomène de la vision. Bien sûr ceci n’était encore qu’une conjecture, une assertion plausible mais dont on n’avait pas de preuve.

Les objets ont-ils une couleur ?

Jusqu’ici nous avons focalisé notre attention sur les rayonnements lumineux et leurs couleurs. Mais les objets ont-ils des couleurs ? La plupart des objets n’émettent pas de lumière. Dans le noir ils sont invisibles. Ce qui les distingue les uns des autres c’est la manière dont ils se comportent lorsqu’ils sont éclairés. Que font-ils de la lumière qu’ils reçoivent ? Qu’advient-il d’une balle projetée contre un mur? Elle rebondit, elle repart avec la même vitesse dans une autre direction. Sa trajectoire est déviée. Certains objets se comportent de la même façon vis à vis de la lumière. On dit qu’ils réfléchissent la lumière, et ce phénomène s’appelle la réflexion de la lumière. Les miroirs, par exemple, réfléchissent la lumière. Mais peu d’objets ont cette propriété. Reprenons la comparaison avec l’objet projeté contre un mur. Une balle de plâtre explose en rencontrant le mur, de la poussière reste sur le mur, et des débris repartent dans toutes les directions. De même, le plus souvent, lorsque la lumière rencontre un obstacle, une partie de celle-ci est absorbée par l’objet rencontré, tandis que l’autre partie, au lieu de rebondir dans une direction bien précise, repart dans toutes les directions. C’est ce qu’on appelle la diffusion de la lumière. La situation la plus fréquente est donc celle-ci: absorption d’une partie de la lumière et rediffusion du reste. Ces différences de comportements sont liées aux propriétés du nuage des électrons entourant les atomes situés à la périphérie de l’objet, c’est à dire aux propriétés chimiques de l’enveloppe de l’objet.

Certains objets renvoient tous les rayons lumineux qui les atteignent, sans les absorber. Exposés à la lumière blanche du soleil, ils nous apparaissent blancs, parce qu’ils renvoient fidèlement, par diffusion, toutes les composantes de la lumière blanche reçue du soleil. Eclairés par une lumière rouge, ils renvoient cette lumière dans toutes les directions et nous apparaissent rouges ; éclairés par une lumière verte, ils apparaissent verts… De même, quel que soit le rayonnement lumineux auquel ils sont exposés, ils diffusent un rayonnement de même composition.

A l’inverse, certains objets absorbent intégralement les rayons qu’ils reçoivent. Ils ne diffusent aucun rayonnement et nous apparaissent noirs. Dans un champ enneigé, les pierres sont entourées d’un petit fossé où la neige a fondu. Pourquoi ? Parce que la neige (c’est pour celà que nous la percevons comme blanche) renvoie la plus grande partie les rayons lumineux qui pourraient l’échauffer. Tandis que la pierre, plus sombre, absorbe l’essentiel de ces rayonnements, ce qui provoque son échauffement. Elle évacue ensuite cette chaleur sous forme de rayonnement infra-rouge qui accélère la fonte de la neige dans son voisinage. Vous avez peut être aussi remarqué qu’un objet de couleur noire, en plein soleil devient très vite brûlant.

D’autres corps enfin absorbent certaines longueurs d’onde et en diffusent d’autres. Si un objet éclairé par la lumière blanche du soleil nous semble rouge, c’est parce qu’il absorbe les couleurs vertes et bleues, et renvoie le rouge. Mais ce même objet rouge, éclairé par une lumière verte nous semble noir, car la seule couleur qu’il reçoit est verte, et il absorbe cette couleur.

Ainsi, l’impression de couleur que nous avons en regardant un objet dépend de ses propriétés d’absorption et de diffusion, mais aussi de la lumière qu’ils reçoit. La phrase Mon ballon est rouge n’est pas vide de sens, mais sa signification véritable est Mon ballon absorbe les lumières autres que le rouge, et diffuse la lumière rouge. Mon ballon rouge, exposé à la lumière blanche ou rouge m’apparait rouge. Mais éclairé par une lumière jaune pure, il m’apparait très sombre. Et la phrase Mon ballon est blanc signifie Mon ballon diffuse fidèlement tous les rayonnements lumineux qu’il reçoit. La couleur sous laquelle il m’apparait est celle avec laquelle il est éclairé.

Peut-on mesurer la couleur ?

Répétons encore une fois que du point de vue de la physique la couleur d’un rayonnement est donnée par son spectre. Mais dans la vie quotidienne, beaucoup de personnes manipulent constamment les couleurs: Les photographes, les peintres, les décorateurs… Un système leur permettant de classifier avec précision toutes les couleurs leur est indispensable. Définir la couleur d’un rayonnement par la donnée de son spectre serait extrêmement lourd, et de peu d’utilité, puisqu'une même impression de couleurs est réalisable par un très grand nombre de spectres. Et, de plus, déterminer l’impression visuelle provoquée par un rayonnement à partir de la seule connaissance de son spectre n’est pas un calcul très simple.

La découverte de Young nous suggère un système de codage des couleurs, qui associe à chaque couleur C trois nombres indiquant la quantité de rouge, la quantité de vert, et la quantité de bleu qu’il faut ajouter pour obtenir la couleur C. Nous n’entrerons pas dans les détails, très techniques, de la définition d’un tel système. Le codage le plus employé pour définir les couleurs apparaissant sur nos écrans lumineux est le codage RVB, R pour rouge, V pour vert et B pour bleu (RGB en anglais), défini par la CIE (Compagnie Internationale de l'Eclairage) en 1931. Trois couleurs spectrales (couleurs de l'arc-en-ciel) sont les couleurs de base, à partir desquelles toutes les autres sont définies. Ces couleurs sont le rouge de longueur d’onde 700nm, le vert de longueur d’onde 536.1 nm, et le bleu de longueur d’onde 435.8nm.

Toute autre couleur peut être obtenue en superposant des quantités bien choisies r, v et b de chacune des couleurs de base; r pour le rouge, v pour le vert et b pour le bleu. Les trois nombres r,v et b sont des nombres réels de l'intervalle [0, 1]. Par exemple le triplet (0,0,0) représente le noir, absence de toute couleur, et le triplet (1,1,1) représente le blanc obtenu en prenant un maximum de chacune des couleurs de base. Les triplets (1,0,0), (0,1,0) et (0,0,1) représentent respectivement le rouge, le vert et le bleu les plus lumineux. En pratique, en informatique en particulier, au lieu de faire varier r,v et b entre 0 et 1 ce qui donnerait une infinité de choix, on donne à ces trois nombres des valeurs entières de l'intervalle [0,255]. On obtient ainsi 256 valeurs pour chacun d'eux, ce qui donne 256 x 256 x 256 = 16 777 216 couleurs, ce qui est plus que suffisant pour l'imperfection de nos yeux. Voici des exemples:

rgbgris.png rgbrouge.p,g rgbvert/png rgbbleu.png rgbnoir.png
(127,127,127) (255,0,0) (0,255,0) (0,0,255) (0,0,0)
firebrick.png deb887.png ff1493.png 228B22.png add8e6.png
(178,34,34) (222,184,135) (255,20,147) (34,139,34) (173,216,230)
Fig 9: Quelques couleurs et leurs codes RVB

Couleurs complémentaires. Deux couleurs complémentaires sont deux couleurs qui, par addition donnent le blanc. Dans le système de codage RVB le passage d’une couleur à sa complémentaire est extrêmement simple: le complémentaire de la couleur (x, y, z) est la couleur (255-x, 255-y, 255-z). Le complémentaire du blanc (255, 255, 255) est l(0, 0, 0), le noir. Le complémentaire du bleu (0, 0, 255) est (255, 255, 0) somme d’un maximum de rouge et de vert c’est à dire le jaune. Voici les complémentaires des 5 couleurs figurant sur la rangée supérieure de la figure 9.

Couleurs complémentaires de la première ligne du tableau ci-dessus
rgbgris2.png cyan.png magenta.png jaune.png blanc.png
(128,128,128) (0,255,255) (255,0,255) (255,255,0) (255,255,255)

synthese1.png Une expérience amusante. En cliquant sur l'image des trois projecteurs vous accéderez à une page du site profile-couleur.com de Daniel Metz, sur laquelle vous pourrez visualiser des couleurs de votre choix, en réglant l’intensité de ces trois projecteurs comme si vous étiez l’éclairagiste de cette salle de spectacle. L’image ci-dessous montre de plus près les 7 couleurs que l’on obtient en réglant chacun des projecteurs à l’intensité maximale. Les zones éclairées par un seul des projecteurs sont de la couleur de celui-ci. La zone éclairée par les 3 projecteurs est blanche. L’addition du rouge et du bleu donne le magenta (255, 0, 255) et l’addition du bleu et du vert donne le cyan.

add.png
Fig 10: Synthèse additive des couleurs

Le coloriage ou synthèse soustractive de la lumière

Pour le moment nous n’avons pas présenté d’autre manière d’obtenir des couleurs que de superposer des couleurs spectrales de différentes longueurs d’onde. C’est ce qu’on appelle la synthèse additive des couleurs. Mais ce n’est pas comme cela que procèdent les peintres avec leurs pinceaux, ou les enfants avec leurs crayons de couleurs. Ils colorient leur toile ou feuille de papier en la couvrant de pigments colorés. Cette façon de faire est l’exact opposé de l’addition de rayonnements lumineux. Rappelons que chaque objet coloré agit comme un filtre qui arrête une partie de la lumière. Au lieu de partir du noir, absence de lumière, et d’ajouter des lumières avec des projecteurs, on part au contraire du blanc, somme à parts égales de lumière rouge, verte et bleue, et chaque couche de colorant enlève un peu plus de lumière. Si une peinture nous apparait de couleur rouge, c’est parce que, exposée à la lumière blanche, elle absorbe les composantes verte et bleue de cette lumière et ne diffuse que la composante rouge. Autrement dit, étaler une couche de peinture rouge cela revient à placer entre la feuille blanche et nos yeux un filtre qui arrête le vert et le bleu (dont la somme est le complémentaire du rouge). Chaque couche de pigment coloré est un filtre. La couche jaune, par exemple est un filtre jaune, un filtre qui laisse passer la couleur jaune, addition de rouge et de vert, et arrête donc le bleu. Attention, nous employons le mot filtre jaune dans le sens : un filtre qui laisse passer le jaune. Chez le photographe, ou à la pharmacie, quand vous entendez parler de filtres ultra-violets, il s’agit plutôt de filtres anti-ultra-violets, qui arrêtent les rayons ultra-violets, et laissent donc passer la lumière visible. La figure-ci dessous montre ce que donne la superposition des trois couches de pigments cyan, magenta et jaune.

Fig 11: Superposition sur une feuille blanche de 3 pigments colorés, cyan, magenta et jaune. Chaque application de l’un d'eux enlève l’une des composantes de la lumière blanche diffusée par la feuille de papier. La zone recouverte par les 3 couleurs ne diffuse plus aucune lumière. Elle apparait noire

Puisque la couleur cyan est l’ajout, à parts égales de vert et de bleu, une peinture cyan est un filtre qui laisse passer le vert et le bleu mais arrête le complémentaire de 'vert + bleu', c'est à dire le rouge. De même, puisque magenta = 'bleu + rouge' le filtre magenta laisse passer le bleu et le rouge, et arrête le vert. Enfin, le filtre jaune laisse passer le vert et le rouge et élimine le bleu.

Puisque la magenta arrête le vert, le cyan arrête le rouge et le jaune arrête le bleu, la superposition de ces 3 couleurs arrête à la fois le vert, le rouge et le bleu, donc toutes les couleurs.

Que donne la superposition de magenta et de jaune ? Le magenta élimine le vert, le jaune élimine le bleu. La superposition de ces 2 filtres élimine le vert et le bleu. Il reste le rouge.

Les luminophores des écrans plats

Les écrans plats de nos téléviseurs ou de nos ordinateurs sont formés de petits carrés appelés pixels. Un luminophore est une substance qui émet de la lumière lorsqu’elle reçoit une excitation électrique. Chaque pixel de l’écran est lui même découpé en 3 petits rectangles luminophores, l’un émet du rouge, l’autre émet du vert et le dernier émet du bleu, sous d’effet d’une excitation.
Fig 12: Une portion d’écran plat (www.web-sciences.com)

Les pixels sont petits, et vus de loin, les ondes lumineuses des 3 luminophores constituant un pixel apparaissent comme une unique onde superposition de trois ondes lumineuses issues d’un même point. Comment représente-t-on une image sur un écran plat ? Cette image est découpée en petits carrés correspondant chacun à un pixel. A chaque pixel est associée une couleur. On affiche un pixel dont la couleur est (r,v,b) en éclairant les luminophores rouge, vert et bleu de ce pixel avec les intensités respectives r,v,b.

Photographie en noir et blanc

Rappelons le processus de fabrication des photos noir et blanc utilisé depuis environ 150 ans, dû à Nicephore Niepce. La pellicule photo est un film transparent recouvert d’un produit gélatineux photosensible à base de bromure d'argent. Un produit phototosensible est un produit qui est modifié par l’action de la lumière. Lors de la prise de la photo l’objectif projette sur la pellicule une image du monde extérieur. C’est la phase d’exposition à la lumière. Cette exposition a modifié les propriétés chimiques de la pellicule. Après un premier traitement chimique, on obtient ce qu'on appelle un négatif. C'est un film dont certaines zones sont totalement transparentes, d'autres totalement noires, et les autres d'un gris plus ou moins sombre. Mais les zones transparentes sont celles qui n'ont pas reçu de lumière. Les zones exposées à la lumière sont plus ou moins sombres selon la quantité de lumière reçue. Ceci est dû à l'action de la lumière sur les cristaux de bromure d'argent. C'est à cause de cette inversion qu'on emploie le mot négatif pour désigner de film.

Fig 13: Tireuse agrandisseuse

Puis on inverse le négatif à l’aide d’une tireuse-agrandisseuse. Le processus est le même que celui qui a fourni le négatif. La tireuse projette une image du négatif sur une feuille de papier blanc recouverte d'une pellicule de bromure d'argent. On fait alors subir à la feuille de papier le même traitement que la pellicule originale. Après ce deuxième traitement les zones claires et sombres du papier sont réparties à l'inverse de celles du négatif. Ce sont donc les mêmes que celles de l'image originale.

negatif.png positif.png
Fig 14: Un négatif à gauche, le positif à droite, (Taverne du Diable à Aignay-le-Duc)

Photographier les composantes colorées

Considérons l’image du nénuphar ci-dessous. On sait que ses couleurs s’obtiennent en additionnant du rouge, du vert et du bleu. Nous nous proposons d’observer chacune de ses 3 composantes, séparément. Intéressons nous à la composante verte. C’est une image qui ne contient que du vert, variant du noir au vert le plus lumineux. Du vert lumineux pour les zones vertes de l’image originale, et du noir pour les zones sans aucune composante de vert. Observez la fleur du nénuphar, dont la couleur, proche du magenta, n'a pas de composante verte; elle apparait noire.

nenupharoriginal.png nenupharvert.png
Fig 15: Le nénuphar et sa composante verte
appareil.png
Fig 16: Comment photographier le vert

On utilise un appareil photo ordinaire, une pellicule photo-sensible de bromure d’argent, et un filtre vert que l’on place devant la pellicule, c’est à dire entre celle-ci et l’objectif de l’appareil photo. On photographie le nénuphar. Le filtre arrête les couleurs autres que le vert. Le papier sensible n’est donc éclairé que par les plages vertes de l’image. Là où l’image est d’un vert lumineux le papier est fortement éclairé, ailleurs il est plus ou moins éclairé, selon la quantité de vert.

Un premier développement donne un négatif noir et blanc de l’image originale, c’est à dire transparent là où il n’y a pas de vert dans l’original, et noir là où l’original est vert. On effectue l'inversion des noirs et blancs par un deuxième tirage, pas sur un papier blanc opaque, ce qui donnerait une photo noir et blanc ordinaire, mais sur un film transparent. On obtient une diapositive en noir et blanc, transparente là où l’original est vert, et noire là où l’original ne contient pas de vert.

Si on recouvre cette diapositive d’un filtre vert et si on l’éclaire, depuis le bas, par une lumière blanche, les parties les plus claires prennent une couleur d’un vert lumineux, et les parties les plus sombres un vert sombre ou noir, comme à droite de la figure 14.

ImagesLumiere/auto.png nenupharvertpositif.png
Fig 17: La diapositive en noir et blanc, qui, éclairée par dessous à travers un filtre vert donne l'image à droite de la figure 15

La construction que nous venons de faire avec la couleur verte pourrait être faite pour n’importe quelle autre couleur. Les premiers essais de photographie en couleur reposaient sur cette idée. On réalisait trois diapositives de couleurs cyan, jaune et magenta de sorte que, une fois superposées, on retrouve par soustraction de couleurs, les couleurs de l’original. Ce procédé était très peu pratique, car il n’est pas facile de saisir trois fois exactement le même sujet, même immobile; et, bien sûr, à peu près impossible dans le cas d’un portrait.

Les autochromes des frères Lumière

Fig 18: La plaque autochrome : Une mosaïque de filtres rouges, verts et bleus, accolée à un film photosensible.

Les frères Lumière ont, les premiers, mis au point un procédé suffisamment pratique pour permettre aux amateurs de réaliser des photographies en couleurs, qu’ils appelaient autochromes. L’image colorée était obtenue par synthèse additive, de la même manière que les images de nos écrans de télévision ou d’ordinateurs. Le principe est le suivant : Construisons une mosaïque de filtres placés côte à côte, à la manière des carreaux de différentes couleurs dont est constitué un vitrail. Vue de face cette mosaïque ressemble à celle de la figure 12, mais, cette fois, chaque petit rectangle coloré n'est pas un luminophore, c'est simplement un filtre coloré.

Plaquons derrière cette mosaïque un film transparent photosensible. Nous obtenons ce que les frères Lumière appelaient une plaque autochrome.

On projette l’image originale sur cette plaque. Le film photosensible est développé une première fois. C’est un négatif noir et blanc. Par le traitement habituel on inverse ce négatif, mais, le tirage est effectué sur un film transparent. On obtient une diapositive en noir et blanc. Une zone de cette diapositive au contact d’un filtre rouge enregistre la composante rouge de la lumière reçue lors de l’exposition. Cette zone est donc transparente ou noire, d’autant plus transparente que la zone correspondante de l’image originale contenait de rouge. De même pour les zones au contact du bleu ou du vert. Si on éclaire cet autochrome par derrière avec une lumière blanche on aura l’impression de revoir l’image originale par synthèse additive des couleurs, comme lorsque nous regardons notre écran de télévision.

Fig 19: Plaque d’autochrome observée au microscope

Il a fallu beaucoup de ténacité pour passer des principes à la réalité. Les petits filtres rouge, vert et bleu sont de petites billes sphériques d’amidon obtenu à partir de la fécule de pomme de terre. Ces billes transparentes sont réparties en trois classes colorées de chacune des trois couleurs. Pour diminuer au maximum les espaces séparant les billes colorées il faut les écraser sous une forte pression. Lors du développement il n’est pas question de dissocier la partie photosensible de la partie colorée, car il serait impossible après le tirage, de replacer la mosaïque des couleurs exactement à sa position initiale.

Après ces laborieuses explications, voici un beau texte, plus concis, présentant l’exposition La couleur des frères Lumière, 100 ans d’autochrome, au Musée de la Photo (Veuvey, Suisse, 2004).

Madeleine et André Lumière 1910

Un autochrome est une sorte de grande diapositive constituée d'un réseau de microscopiques grains de fécule de pomme de terre colorés en rouge-orangé, vert et bleu-violet, placés devant une couche de gélatine photosensible, identique à celle d'une plaque photographique noire-blanche traditionnelle.

Au moment de la prise de vue, chacun de ces minuscules grains de fécule forme un écran coloré qui filtre la lumière blanche et ne laisse passer que sa propre couleur. Celle-ci s'imprime alors en noir - blanc sur la couche sensible. Tout autour, les autres grains de fécule fonctionnent de la même manière, chacun pour sa propre couleur. Ainsi la plaque « enregistre » une mosaïque de trois images en noir et blanc, imbriquées les unes dans les autres, la densité de chacune correspondant à l'intensité de l’une des trois couleurs.

Après développement et inversion de l'image négative, on observe la plaque devenue positive face à la lumière, comme une diapositive. Les microscopiques grains de fécule de pomme de terre rouge-orangé, vert et bleu-violet agissent à nouveau comme des filtres et colorent chacun des points de l'image dans sa propre teinte et selon la densité de l'image noire et blanche qui est à l'arrière.

Notre oeil ne peut déceler une telle finesse de structure, ces multiples petits points de couleur sont « mélangés » lorsque nous les regardons et leur fusion reforme l'ensemble des teintes du sujet photographié. C'est le même principe que l'écran de votre téléviseur…

Nature morte

Marc Deléglise, novembre 2013


Last modified: Sat Mar 6 11:38:47 CET 2021

Valid XHTML 1.0 Strict