Pour résoudre un problème en relativité générale, il faut se donner un modèle d'univers. Si l'on veut étudier le champ créé par une répartition finie de masses, il faut préciser le modèle d'univers dans lequel se situe ce système de masses. Ce modèle d'univers donnera les limites à l'infini de la métrique cherchée pour traduire le champ créé par cette répartition de masses.
Bien souvent pour tester la validité de la relativité générale, comme par exemple pour étudier l'avance du périhélie de Mercure ou encore la déviation des rayons lumineux rasant le Soleil, on prend l'espace vide et plat de Minkowski comme modèle d'univers, et cela est suffisant.
Mais il existe une expérience qui teste la validité de l'existence des conditions aux limites c'est celle trop souvent incomprise du Pendule de Foucault.
Moins connu est le fait que Léon Foucault récidivait l'année suivante (en1852), en se débarrassant du problème de la latitude et en expérimentant avec un gyroscope !

Le pendule de Foucault

Voici comment l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan présente admirablement cette expérience (page 101 dans le livre L'infini dans la paume de la main) :

``Le physicien Français Léon Foucault voulait démontrer que la Terre tournait sur elle-même. En 1851, dans une expérience restée célèbre et qui est maintenant reproduite dans de nombreux musées des sciences du monde, il attacha un pendule à la voûte du panthéon, à Paris. Une fois lancé, le pendule a un comportement remarquable : son plan d'oscillation pivote au fil des heures. Si on le lance dans la direction nord-sud, au bout de quelques heures il oscillera dans la direction est-ouest, et si nous étions aux pôles, le pendule ferait un tour complet en exactement 24 heures. A Paris, à cause d'un effet de latitude, le pendule n'accomplit qu'une fraction de tour en une journée.
Pourquoi le plan du pendule pivote-t-il? Foucault répondit que ce mouvement n'était qu'apparent : le plan d'oscillation du pendule reste fixe et c'est la Terre qui tourne. Ayant mis en évidence la rotation de la Terre, il s'en contenta. Mais la réponse de Foucault était incomplète, car un mouvement ne peut être décrit que par rapport à un repère fixe : le mouvement absolu n'existe pas. Galilée avait déjà compris que : ``Le mouvement est comme rien.'' Le mouvement n'existe pas en soi, mais relativement à autre chose. La Terre doit ``tourner'' par rapport à quelque chose qui ne tourne pas. Mais comment trouver ce quelque chose ? Afin de tester l'immobilité d'un point de repère, un astre par exemple, il suffit de lancer le pendule dans sa direction. Si l'astre est immobile, il restera dans le plan d'oscillation du pendule, dont on sait qu'il est fixe. Si l'astre bouge, il dérivera lentement en dehors du plan.
Essayons des objets astronomiques connus, des plus proches aux plus lointains. Si nous orientons le plan de notre pendule vers le Soleil, ce dernier sort perceptiblement du plan d'oscillation après quelques semaines. Les étoiles les plus proches, situées à quelques années-lumière, font de même après quelques années. La galaxie Andromède, située à deux millions d'années-lumière, dérive mois, mais finit par sortir du plan. Le temps passé dans le plan s'allonge et la dérive tend graduellement vers zéro au fur et à mesure que les objets testés sont plus éloignés. Seuls les amas de galaxies les plus lointains, situés à des milliards d'années-lumière, aux confins de l'univers connu, ne dérivent pas par rapport au plan d'oscillation initial du pendule.
- Pourquoi y aurait-il un plan privilégié ?
- Il n'y a pas de plan privilégié. Toutes les directions sont équivalentes. Quelle que soit la direction dans laquelle on a lancé le pendule au début, son plan d'oscillation reste fixe, mais pas par rapport aux objets célestes proches, mais par rapport aux amas de galaxies les plus lointains que l'on puisse détecter dans cette direction. La conclusion à tirer de ces expériences est extraordinaire : le pendule de Foucault ajuste son comportement non pas en fonction de son environnement local, mais en fonction des galaxies les plus éloignées, c'est-à-dire de l'univers tout entier, puisque la quasi-totalité de la masse visible de l'univers se trouve non pas dans les étoiles proches, mais dans ces galaxies lointaines. En d'autres termes, ce qui se trame chez nous se décide dans l'immensité cosmique : ce qui se passe sur notre minuscule planète dépend de la totalité des structures de l'univers.
Pourquoi le pendule de Foucault se comporte-il ainsi ? On ne connaît pas la réponse pour l'instant. Le philosophe et physicien autrichien Ernst Mach y voyait une sorte d'omniprésence de la matière et de son influence. Selon lui, la masse d'un objet - la quantité qui mesure son inertie, c'est-à-dire sa résistance au mouvement - est le résultat de l'influence de l'univers tout entier sur cet objet. C'est ce qu'on appelle le principe de Mach. Lorsqu'on peine à pousser une voiture, la résistance qu'elle exerce au mouvement émane de la totalité de l'univers. Mach n'a jamais formulé en détail cette influence universelle mystérieuse, qui est distincte de la gravité, et personne n'a su le faire depuis. ...''

Remarques :
1- Si comme le dit Trinh Xuan Thuan l'expérience de Foucault met en évidence l'aspect qualitatif du principe de Mach, on en connaît l'interprétation dans le cadre de la relativité générale au moins depuis V. Fock (p.394 du livre The theory of space, time and gravitation; Pergamon Press, London, 1964). Cette expérience montre que pour la compréhension d'un phénomène local, il faut se situer dans un modèle global, ici un modèle d'univers isotrope.
2- Il est intéressant de noter que cette expérience représente un test sur terre (en laboratoire) d'un aspect de la relativité générale, en l'occurrence celui de travailler avec deux métriques dont celle du modèle global choisi.
3- Deux concepts posent problème, ce sont la covariance et l'invariance; il ne faut pas les confondre. Dans cette expérience, les conditions aux limites à l'infini sont covariantes par rapport à la métrique associée au modèle d'univers et invariantes par rapport à celle décrivant le système.
4- En d'autres termes,

il existe une famille privilégiée de repères,

c'est celle des repères comobiles du modèle d'univers choisi.
5- Vous êtes-vous déjà interrogé sur la formulation des noms des tests de la relativité générale ? Ils ont pour noms : DEVIATION des rayons lumineux, AVANCE du périhélie de Mercure, RETARD de l'écho radar. Et dans l'expérience de Foucault on regarde la déviation du plan du pendule (traduisant la rotation de la Terre), mais plus profondément la FIXITE de ce plan par rapport à la métrique d'univers. Ces formulations soulignent à l'évidence la nécessité de travailler avec deux métriques (celle de l'univers choisi et celle du système étudié), et ce que l'on mesure (déviation, retard, avance, fixité) est un ECART que l'on attribue souvent à la différence de prédiction entre la théorie de Newton et celle d'Einstein (ce qui est vrai pour l'avance d'un périhélie) ; mais pour les autres (retard, déviation, fixité)? Cet ECART est en fait la différence entre les prédictions associées à ces deux métriques.
6- Pour achever la compréhension complète de l'expérience du pendule de Foucault, il reste, à ma connaissance, à formaliser l'aspect quantitatif du principe de Mach dans le cadre de la relativité générale, compréhension qui passe par celle de la masse inertielle.

Une question
Que veut dire - une galaxie tourne sur elle-même ?
- un astre tourne sur lui-même, ou est en rotation ?
Mais par rapport à quoi tournent-ils ? Et pourtant des galaxies sont aplaties, des planètes le sont à leurs pôles.
Il faut se donner un repère et dans ce repère une étoile tourne. Mais quel repère ? Existe-t-il un repère privilégié ?
- Celui des galaxies lointaines fixes, mis en évidence par le gyroscope de Foucault ?
- Notre repère Copernicien donné par le Soleil ?
- Le repère galactique de notre Voie Lactée ?
- Celui du modèle d'univers isotrope écrit en coordonnées comobiles ?
- Celui du modèle d'univers isotrope écrit en coordonnées inertielles le long de la ligne d'univers d'un point en chute libre ?
- ...
Il est évident que dans un repère fixe associé à l'astre "qui tourne", la terre par exemple, on ne peut pas expliquer l'aplatissement des pôles. Ainsi, contrairement à une idée trop répandue, tous les repères ne sont pas équivalents dans le cadre de la relativité générale.
Celle-ci est covariante, ce qui signifie que les équations sont "formellement indépendantes du repère", en clair la covariance signifie que l'on peut permuter "changement de repère et résultats" à n'importe quelle étape d'un calcul ou d'une preuve. La covariance n'est qu'une exigence logique formelle (et il ne faut pas s'en passer car c'est pratique). Mais une covariance (mathématique) n'est pas une invariance (physique).
Dès que l'on évite cette confusion, alors effectivement tous les repères ne sont pas équivalents (physiquement) et c'est important pour expliquer l'aplatissement d'un astre et ... le pendule de Foucault.