(*) référence à Huxley et au Groupe f/64.
Voici un document, réalisé par l'ISPB, qui fait le parallèle entre le décret de 84 et le projet dans sa dernière mouture.
Réforme des universités et de la recherche : des discours aux actes Par Bruno Chaudret, chimiste, membre de l’Académie des sciences, directeur de recherche, Albert Fert, physicien, prix Nobel 2007, professeur, Yves Laszlo, mathématicien, professeur, Denis Mazeaud, juriste, professeur.
1. 1984 : le début de l'asphyxie
avant 1984, quelles étaient nos charges d'enseignement ? - le décret 79-683 du 9/8/79 dit que les PR ont à faire “Trois heures de CM par semaine pendant le durée de l'année universitaire”. Quelle était la durée de l'année universitaire avant 1984 ? Si on calcule avec l'actuelle qui est de 32 semaines (et qui commence dès les premiers jours de septembre), ça ferait 96h de cours soit 144 eqTD 1984 à comparer à 192 (48 h de plus, X 1,33). Mais cette époque, l'année universitaire ne commençait pas début septembre. - pour les maîtres-assistants, n'existe apparemment que le décret 60-1027 de septembre 1960 qui définit un enseignement hebdomadaire de 4 séances de TP, 5 d'exercice ou 6 d'enseignement (d'appoint !) dans les propédeutiques. La durée des séances de TD et TP sera définie par arrêté ! - je n'ai rien trouvé pour les assistants. - lors d'une discussion avec un ancien directeur d'UFR de Biologie, de mémoire, il pensait ne faire que 140-150 d'enseignement (eqTD 1984). - j'ai ressorti de mes archives quelques tableaux de service : assistant à l'époque, je faisais env. 160h eqTD durant les 4 années de 1981 à 1985. Je continue à fouiller pour reconstituer avant 1981.
autant que je me rappelle, ce rapport de 1,5/1/0,67 pour les CM/TD/TP (injustifiable, indéfendable) n'existait pas avant 84 !!!
Ce comptage différent de nos services (à la semaine, puis à l'année) rend la comparaison difficile, mais il apparaît que nos services ont été multipliés par AU MOINS 1,2-1,35.
(les plus anciens peuvent-ils compléter, en m'indiquant des références de textes officiels, des souvenirs de durées d'années universitaires, en ressortant de vieux tableaux de service?)
A noter qu'avant 1984, l'enseignement était moins pulvérisé. De ce point de vue, le salami imposé par LMD, de multiples petites UE d'une 50aine d'heures, a entraîné une multiplication de nos interventions dans plusieurs enseignements ; ce papillonnage entraîne forcément de nombreuses pertes de temps (en 1978-79, j'ai encadré un stage de TP de 8 semaines. L'an dernier, je suis intervenu dans 11 enseignements différents). La semestrialisation intégrale a doublé les sessions d'examen et rallongé l'année universitaire. Avant les 192h, avant la pulvérisation des matières, avant la semestrialisation totale, je considère que j'étais un demi-chercheur. Pendant 6 mois environ, je pouvais me consacrer quasi exclusivement à mon travail de recherche. Actuellement, je pense que nous ne sommes guère que des ¼ de chercheur. Mais est-ce bien sûr ? Qui peut encore considérer que pendant 3 mois pleins il a la tête totalement disponible pour faire des manips ? Trois mois, c'est à peine plus qu'un stage d'IUT ou de BTS !
2. projet Pécresse : la “balle dans la nuque”. Nous ne sommes pas morts assez vite, elle veut nous achever.
Le décret 1984 sortait de son chapeau les 192 h et établissait une hiérarchie entre les CM, les TD et les TP (mauvaise image pour les TP, d'ailleurs, l'expérimental étant dévalorisé par rapport au magistral). Qui sait comment ont été calculés ces 192h ? Je ne l'ai jamais su (192, pas 190 ni 200 !, ces 2 h m'ont toujours paru exotiques !). Sans doute un rapport entre le nombre d'étudiants prévus par le baby boom, à tant d'heures d'enseignement par an, et le nombre d'enseignants disponibles sans trop augmenter les effectifs d'universitaires !
Le projet Pécresse indique cette fois par écrit que ces 192h correspondent à un demi service (nulle part dans le décret 84). Autrement dit, les 1607 h annuelles correspondraient à 803,5 d'enseignement. Autrement dit, une heure d'enseignement générerait 3,2 h de travail lié à l'enseignement (803,5/192 ? 1). Qui a calculé ce facteur d'environ 3 ? Le chargé de mission du ministre a-t-il rêvé ce chiffre, l'a-t-il tiré au sort, a-t-il demandé un chiffre au hasard à son bambin, lui a-t-il été soufflé par une astrologue, par la masseuse du périnée présidentiel?? Qui a connaissance d'une étude cherchant à déterminer le temps généré par 1h devant étudiant ? Qui a été sondé par son UFR, son université, son ministère ? Ce que je peux dire par expérience, c'est que 1h devant étudiant génère plutôt de l'ordre de 5,5 h de travail lié à l'enseignement (depuis porter son polycop à la reprographie, réserver une salle? jusqu'à réactualiser son cours ou son TP). Et vous ? Le rapport est-il le même en sciences et en lettres ou en droit ?
Au moins pour les disciplines scientifiques, les PREMISSES SUR LESQUELLES PECRESSE S'APPUIE POUR ETABLIR LE TRAVAIL DE REFERENCE (192H) SONT FAUSSES. Avant 1984, nous étions à 50% chercheur. DEPUIS 25 ANS, CE N'EST PLUS VRAI. Cessons de dire n'importe quoi. Pécresse et les rédacteurs de ce décret ne connaissent rien aux réalités de l'enseignement supérieur. C'est quand même malheureux de pondre un décret à partir de BASES FAUSSES. “Moduler” jusqu'au doublement comme le prévoyait Belloc et comme le sous-entend ce “moitié” de service pour 192h est une absurdité puisqu'il nous ferait largement dépasser les 1607 h annuelles !
En-dehors même de cette absurdité, notre part “chercheur” est déjà tellement réduite que la moindre “modulation” vers le haut est signer l'arrêt de mort de l'universitaire “puni”. Donc à terme, comme nous avons déjà tous du mal à nous en sortir depuis 25 ans, je me demande combien d'E-C répondront aux critères de l'AERES ou seront bien évalués par le CNU. Si à chaque quadriennal on éjecte un certain nombre d'E-C “non publiants”, la vitesse d'éjection étant certainement supérieure à la vitesse de recrutement, on peut facilement prévoir qu'à terme on obtiendra un fort contingent d'E-C qui ne seront plus que des enseignants. Le volant des enseignants encore un peu chercheurs tendra vers un pourcentage faible : il y aura toujours des miracles, des sujets qui marchent bien, des chefs d'équipe qui soutiendront leurs MCF en leur attribuant systématiquement des post-docs, un technicien, des thésards, ou? des signatures de complaisance !, il y aura les quelques “modulés vers le bas” (merci aux modulés vers le haut, grrrrrr!), les quelques recrutés chercheurs-enseignants à service d'un tiers et à double salaire (grrrrrr!)?
A terme, l'enseignement universitaire sera essentiellement fait par des enseignants purs, ce qui serait nier la spécificité du supérieur. L'université deviendra un collègue universitaire et la licence un superbac. Un enseignant du supérieur déconnecté de la recherche n'aura plus que des connaissances livresques, et ne se distinguera plus d'un enseignant du lycée. A TERME, LA RECHERCHE FAITE PAR DES UNIVERSITAIRES DISPARAITRA. Si encore il reste de la recherche faite pas des chercheurs !!!!
(Il serait aussi possible de disserter sur les conséquences prévisibles de l'individualisation forcenée, induites par la perspective de primes “au mérite” ou à la tête du client. Jalousie, égoïsme exacerbé, absence de coopération?)
Revue Mouvements, septembre-décembre 2008
Réaction de YYY à XXX:
XXX: Note de l'historien de service: les 192 heures ont été considérés comme iniques, quand elles ont été imposées.
YYY :
TRES JUSTE!!! merci a XXX de le rappeler(décret Payan du 16/09/83) les 192 TD=128 CM représentaient à l'époque une hausse de charges de: 28% pour les MA et MCF mais de 70% environ!!! pour les PR(*) LE PIRE : les syndicats de l'epoque(en tt cas les principaux SGEN +SNESUP) n'ont protesté que pour la forme…nous avons ete VENDUS!(en echange de quoi? demandez le à votre syndicaliste préféré)
(*) il ne reste presque plus de PR de cette époque encore en activité (je suis un des rares survivants) salut à tou(te)s et bon courage pour les luttes futures(et non les luttes passées) YYY
Pourquoi 192 h?
L'explication des 192h est simple 192= 3×64= 3 x 2^6, donc la divisibilite optimale des nombres proches de 200; si Payan avait ete moins s…, il aurrait pris 180=2^2×3^2×5 (pas besoin d'etre un arithméticien aussi qualifie que Mr Nicolas!)
Cela dit, il semblerait que le merdier actuel puise son inspiration dans le fameux 'Rapport Belloc. Vérifions!
Suite au document 7
A l'époque précédent le décret Payan(09/1983 pour la première mouture) le service des PR était fixé par une loi datant de la Monarchie de Juillet(années 1840),stipulant que: “les Pr d'Univ devaient donner deux leçons hebdomadaires”
La “leçon”(*) par consensus ,puis par décret ultérieur(#),durait 1h30;pour une année de 25 semaines,on arrivait a 75hCM annuelles. Les autres catégories d'enseignants chercheurs sont apparues ensuite(à partir des années 1880) avec statut imprécis ou statut ad'hoc(voire pas de statut du tout, i e à la botte du “mandarin”)…. Dans les années 60 ,la pratique générale était que ces 2X 1h30 hebdo impliquaient les exams ecrits et oraux(ces derniers étant bcp plus importants que de nos jours),y compris l'integralité des corrections(je peux citer à l'appui des souvenirs d'étudiants); d'autre part, seuls les PR étaient supposés faire des CM,sauf dans deux type de situations
-disciplines chroniquement sous-encadrées pour cause de malthusianisme aigu(droit,Sc eco)
-petites universités mal encadrées
pour lesquelles il fallait bien demander aux MAss voir eaux Ass de faire le boulot(je pense que l'équation 1h CM=1h30ETDvient de là)
Si d'autres collègues connaissent plus de détails…
(*)en ce temps là, pas question d'apprendre à calculer en 100 leçons
(#)cette limitation autoritaire des séances de cours à 1h30 provoqua une sérieuse agitation à l'X, vers 1850
Les réformes proposées par Valérie Pécresse, telles qu'elles ont été annoncées dès la fin du printemps 2008, nous semblent aller, sous réserve d'ajustements ultérieurs, dans la bonne direction pour l'avenir de l'Université et de ses étudiants.
Nous déplorons les remarques maladroites proférées au plus haut niveau, qui blessent inutilement la majorité des enseignants-chercheurs qui ont démontré leur compétence et leur dévouement au service de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Nous sommes néanmoins en faveur d'une réforme profonde du statut d'enseignant-chercheur, nécessaire à la modernisation de l'Université.
Il est inexact d'affirmer que le monde universitaire s'oppose en bloc à la réforme proposée ou à toute autre réforme qui serait proposée à la suite d'une consultation raisonable. Nous nous inquiétons de l'image conservatrice du corps enseignant et des chercheurs que les médias propagent à la suite des grèves dans les universités et des manifestations.
47 signatures ont été envoyées en 24 heures:
Francis Albarede Professeur Lyon France Allard - Lyon Isabelle Alliot - CEA Nicholas Arndt Professeur Grenoble James Badro CNRS, Paris Isabelle Baraffe Dir Rech Lyon Jean-Louis Barrat Professeur Lyon Janne Blichert-Toft Dir Rech Lyon Jean-Claude Boulliard Paris Celine Bouquet Dir Rech Paris Gilles Chabrier Dir Rech Lyon Laurent Charlet Professeur Grenoble Catherine Chauvel Dir Rech Grenoble Olivier Coqueret - Nantes Patrick Cordier Professeur Lille Magali Deleuil Marseille Thomas Ebbesen - Strasbourg Saïd Ennahar M Conf Bordeaux Catherine Florentz - Strasbourg Christian France-Lanord Dir Rech Nancy Alexandre Fournier Physicien Paris Jean-Luc, Imler Professeur Strasbourg Philippe Georgel Strasbourg Bruno Hamelin Professeur Aix Catherine Hänni Dir Rech Lyon Bruno Klaholz Strasbourg Jean-Francois Lestrade Dir Rech Paris Eric Larose Dir Rech Grenoble Vincent Laudet Professeur Lyon Luc Lebeau Dir Rech Strasbourg Patrick Leduque - Lyon Hughes Leroux Professeur Lille Bernard Marty Professeur Nancy Anders Meibom Professeur Paris Chloé Michaut Paris Patrick Michel - Nice Nicolas Moës - Nantes Thierry Montmerle Professeur Grenoble Philippe Paillou Professeur Bordeaux Jean-Marc Reichhart Professeur Strasbourg Bruno Reynard Dir Rech Lyon Francois Spite - Meudon Françoise Stoll-Keller - Strasbourg Albert Tarantola Physicien Paris Stéphane Vuilleumier Professeur Strasbourg Dominique Wachsmann Professeur Strasbourg Nicolas Winssinger Professeur Strasbourg
on m'en avait parlé lors d'une manif, on m'a envoyé le texte et les 47 premiers signataires. on m'a dit jeudi qu'il y en avait 300. Il y aurait aussi le directeur de l'ENS sciences. Il y a là dedans des personnes qui ne connaissent rien à l'enseignement supérieur, qui n'enseignent qu'à des normaliens, qui n'ont jamais fait 192h avec des amphis de 150 étudiants, qui ont toujours man?uvré pour faire le moins d'enseignement possible?
Modification des obligations de service :
La question de la prise en compte de l'enseignement à distance (cours en ligne, suivi des étudiants en autonomie guidée) dans les services d'enseignement se pose depuis des années. L'annonce que ce type de travail (souvent très chronophage) sera “valorisé” me paraît insuffisante.
On nous a déjà promis que ce type d'enseignement non-présentiel serait rétribué dans le plan licence, mais en fin de compte, aucune heure équivalent TD n'a été donnée pour ce type de travail. On nous a vaguement fait miroiter des primes…
Autre exemple : pendant plusieurs années, les maquettes d'enseignements transversaux en langues ont compris quelques heures d'autoformation au cargo (centre de ressources en langues 2ème étage, quai 43). Ces heures ne faisaient pas partie du service des enseignants (dont beaucoup de vacataires) et le cargo n'avait pas de personnel permanent… Finalement, le problème a été réglé. Les heures ont tout simplement disparu des maquettes.