Il est toujours mal aisé de parler de prédiction économique voir même
simplement de modélisation tant le monde réel est compliqué. Ici je
présente trois petit modèle très simple avec chaque fois un petit
théorème. On peut plutôt parler de «fables» : des histoires très simplistes
qui illustre le propos plutôt qu'une argumentation et avec peut-être
une morale à fin.
L'algorithme hongrois, un argument neo-liberal ?
Considérons un tableau N par N avec des entrées positives et choisissons
N cases de telle sorte qu'il y en ait exactement une sur chaque ligne
et chaque colonne. Comment trouver la configuration qui minimise la
somme des cases choisies ? Il y a plusieurs illustrations/motivation
à ce problème. Par exemple, on peut penser à un ensemble de travailleurs
ayant des compétences différentes et une liste de taches à réaliser.
On aimerait alors donner une répartition des taches qui correspond
au mieux les compétences des travailleurs.
\[
\text{Exemple : }\left(\begin{array}{cccc}
1 & 4 & \boxed{2} & 3\\
\boxed{1} & 5 & 6 & 4\\
7 & \boxed{2} & 2 & 1\\
3 & 4 & 3 & \boxed{1}
\end{array}\right)\quad\text{Somme minimale}=6.
\]
Bien sur il est possible ici de tester toutes les possibilités mais
ce nomble devient vite trop important lorsque le tableau est un peu
grand. Le but du jeu est donc de trouver un algorithme efficace. L'idée
de l'algorithme hongrois repose sur les deux observations suivantes:
- Si il est possible de choisir une configuration uniquement avec des
cases de valeur nulle alors c'est terminé et le cout total est nul.
- Si on modifie le tableau en ajoutant une même valeur sur toute une
ligne ou sur tout une colonne alors on obtient un problème équivalent
\[
c(x,y)\rightarrow c(x,y)+P(x)+Q(y)
\]
En effet cela revient à ajouter une constante au cout total et on
ne modifie donc en rien le problème de minimisation : la configuration
minimale reste la même.
Le principe de l'algorithme est d'ajuster ces valeurs \(P\) et \(Q\)
de manière itérative de telle sorte à obtenir suffisamment de zéro
dans le tableau pour se retrouver le premier cas. Sans entrer dans
le détail des différentes étapes de l'algorithme voici juste faire
quelques remarques. Ce qui rend l'algorithme intéressant d'un point
de vue de l'économie est qu'il semble assez similaire au mécanisme
de l'offre et la demande avec une fluctuation des prix. Chaque travailleur
(=ligne) commence par postuler pour la(-es) taches qui lui conviendrait
le mieux et de même pour chaque tache (ligne) une proposition est
envoyée au(x) travailleur(s) le mieux qualifié pour la tache. Ensuite
si un travailleur reçoit plusieurs propositions il augmente légèrement
ses tarifs et inversement il les diminue si il ne voit proposer aucune
tache. (=augmenter ou diminuer toute une ligne) De même on augmente
ou diminue de prix pour une tache si elle est très demandée ou si
au contraire ne trouve pas de travailleurs (=augmenter ou diminuer
toute une colonne). Au bout d'un certain temps, on aboutit à une situation
où chaque travailleur a bien une tache associée.
Assouplir le problème
On peut s'intéresser à une variante ``plus souple'' du problème
où on ne suppose pas que la répartion soit purement 0 ou 1 mais peut
avoir une distribution continue. Formellement on a deux ensembles
fini \(E,F\) et deux distributions \((\mu(x))_{x\in E}\) et \((\nu(y))_{y\in F}\)
avec \(\sum_{x\in E}\mu(x)=\sum_{y\in F}\nu(y)\). On cherche à minimiser
parmi toutes les distribution \(\pi\) sur \(E\times F\) le cout total
donné par
\[
C(\pi):=\sum_{x,y}\pi(x,y)c(x,y)\qquad\sum_{y\in E}\pi(x,y)=\mu(x),\sum_{x\in F}\pi(x,y)=\nu(y).
\]
Il s'agit ici d'un problème très classique qui a même plus ou moins
créé tout le domaine de recherche du transport optimal. Comme exemple
de motivation Il s'agit de transporter une certaine quantité de matière
première initialement répartie dans différents entrepots qu'il faut
transporter vers différentes usines. Ici \(\pi(x,y)\) représente la
quantité de matière transportée de \(x\) à \(y\) et \(c(x,y)\) represente
le cout unitaire pour ce trajet.
L'astuce ici est de relacher la condition sur \(\pi\) que toutes les
et de la remplacer par une pénalité de paramètre \(\lambda\)
\[
C(\lambda,\pi)=\sum_{x,y\in E}c(x,y)\pi(x,y)+\frac{\lambda}{2}(\sum_{x\in E}(\sum_{y\in E}\pi(x,y)-\mu(x))^{2}+\sum_{y}(\sum_{x\in E}\pi(x,y)-\nu(y)){}^{2})
\]
Si la pénalité est suffisament grande on retrouve le problème initiale
\[
\inf_{\pi\in{\cal T}}C(\pi)=\lim_{\lambda\rightarrow\infty}\inf_{\pi\geq0}C(\lambda,\pi)
\]
L'intéret cependant est que ce problème est plus facile à résoudre.
On écrit la jacobienne
\[
j(x,y)=\frac{\partial C(\lambda,\pi)}{\partial\pi(x,y)}=c(x,y)+\lambda(\sum_{z\in E}\pi(x,z)-\mu(x)+\sum_{z\in E}\pi(z,y)-\nu(y))
\]
et on a bien ici les 2 points de l'algorithmes hongrois :
- la répartition qui minimise \(C(\lambda,\pi)\) ne remplit que les cases
telles que \(j(x,y)=0\)
- \(j(x,y)=c(x,y)+P(x)+Q(y).\)
le tableau \(c\) et la distribution minimisant \(C(\lambda,\pi)\) pour
\(\lambda=10,30\) et \(90\).
\par\end{center}
Le message de ce post est le suivant : il semble que d'une certaine
manière cet algorithme est mis en pratique tous les jours de manière
inconciente et que l'organisation de la société dans son ensemble
repose en grande partie sur lui. Il faut reconnaitre que celui ci
est assez remarquable : à la fois très simple, efficace et décentralisé.
Jeux d'argents et théorie des martingales
Dans une salle, \(N\) joueurs se réunissent et jouent au jeu d'argent
suivant. À chaque temps deux joueurs sont tirés au sort et ils parient
l'un contre l'autre sur un pile ou face (équilibré). La mise est fixé
à \(r\times\)l'argent du joueur le pauvre avec \(0\leq r\leq 1\). Au temps long
comment évolue le système ?
Une martingale
Comme le jeu est équilibré, l'argent de chaque joueur est une martingale
et on a le très beau théorème «\emph{Une martingale bornée converge
presque surement}». Dans le cas présent, il n'y a qu'un seul comportement
assymptotique possible : tous les joueurs repartent ruinés sauf un
qui rafle toute la mise.
Simulation numérique avec 6 joueurs, \(p=0.3\) et quantitié total d'argent
initiale égale à \(1\).
De plus comme en espérance un joueur ne gagne rien ni ne perd rien,
la probabilité d'être celui qui repart avec toute la mise ne dépend
que de sa mise initiale
\[
\text{Probabilité de gagner = }\frac{\text{argent initial}}{\text{Somme de l'argent de tous les joueurs}}.
\]
Ce qu'il y a de très élégant dans ce résultat c'est qu'il est en fait
complètement indépendant du jeux de hazard considéré. La seule règle
est que le jeu soit équitable. On peut même proposer aux joueurs de
changer de jeux, de choisir leurs adversaires et leurs mises et de
les laisser élaborer des «stratégies». À la fin la conclusion reste
la même : un seul gagnant et avec une probabilité simplement proportionnelle
à la mise initiale.
De l'inégalité parmi les hommes
Naivement on pourrait affirmer que comme le jeu est équilibré il n'a
pas d'influence sur les inégalités. Ceci est bien sur faux au vu du
paragraphe précédent mais on peut proposer un argument plus général.
Une manière usuelle de mesurer les inégalités parmi \(n\) personnes
est de construire un indicateur en utilisant une fonction convexe
\(f\).
\[
I(X)=\sum_{i=1}^{n}f(X_{i})\qquad X_{i}=\text{argent de la i-ème personne}
\]
Pour un exemple réellement en pratique :
\[
\text{Coefficient de Gini =}\sum_{i,j}|X_{i}-X_{j}|
\]
On a l'affirmation suivante : Pour des jeux équilibré, par Jensen
\(I(X)\) est une sous-martingale : en espérance elle augmente à chaque
tirage aléatoire. La morale de la fable pourrait donc être la suivante
: tous les jeux : casino, paris sportifs ou jeu en bourse s'il se
disent «équilibrés» ont pour impact d'augmenter les inégalités.
Une simple matrice pour l'inflation
On considère un modèle extrèmement simple pour représenter l'économie.
Le tout est un grand graphe orienté \(G=(S,A)\) où chaque «agent économique»
est représenté par un sommet, deux sommets sont connectés si il y
a un «échange commerciale» entre les deux et l'orientation indique
qui est «client» ou «fournisseur».
À cela on ajoute une matrice de réponse \(R\in\mathbb{R}^{S\times S}\)
qui décrit le comportement de chaque agent lorsqu'il est subit à une
hausse de prix. La règle est simple : si l'agent \(i\in S\) voit ses
frais augmenter de \(h_{i}\in\mathbb{R}\), il les répercute proportionnellement
sur chacun de ses clients \(j\) en augmentant ses prix de \(R_{ij}h_{i}\).
On peut regarder ce que donne ce modèle dynamiquement avec un temps
discret. On part d'une situation à l'équilibre et la perturbe avec
une augmentation. À chaque temps, les agents mettent à jour leurs
prix et créent une nouvelle augmentation.
\[
H^{(0)}\in\mathbb{R}^{S}\qquad H^{(n+1)}=RH^{(n)}.
\]
En cumulée, l'augmentation total par rapport à la situation initiale
est alors
\[
C^{(n)}=(I+R+R^{2}+\cdots+R^{n})H^{(0)}\underset{n\rightarrow\infty}{\rightarrow}(I-R)^{-1}H^{(0)}
\]
ce qui donne une formule très simple la réponse au temps long si le
rayon spectral de \(R\) est inférieur à \(1\). Un cas particulier naturel
est justement de supposé \(R\) une matrice stochastique : \(\sum_{j}R_{ij}=1\)
pour tout \(i\in S\) qui correspond pour les agents répercutent l'augmentation
complètement sur leur clients. Dans ce cas au temps long
\[
C^{(n)}\sim n\sum_{i\in S}H_{i}^{(0)}\times u^{R}
\]
où \(u^{R}\) est le vecteur propre de \(R\) associé à la valeur propre
égale à \(1\). Ici les prix augmentent de manière continue et régulière.
Un dernier cas est si \(R\) admet une valeur propre \(\lambda>1\) (si
les agents anticipent la hausse des prix par exemple) on a alors une
inflation qui explose de manière exponentielle.
Pour finir on peut introduire une matrice diagonale \(D=\text{diag}((1-\sum_{j}R_{ij})_{i})\)
qui décrit la proportion de la hausse que l'agent subit effectivement
au temps long on a
\[
D(I-R)^{-1}H^{(0)}.
\]
Le problème de l'inflation tient alors un peu du dilemme du prisonnier
: ce sont ceux qui contribuent le moins à l'inflation (\(D_{i}\) grand)
qui en subissent le plus les conséquences.