3 Familles sommables à termes scalaires

Comme pour les séries, on se ramène au cas à valeur positif en prenant le module. On pourrait traiter de façon semblable le cas à valeurs vectorielles (par exemple dans n ou dans ce qu’on appelera au chapitre suivant un e.v.n. où toute suite de Cauchy converge, un e.v.n dit complet) en prenant la norme à la place du module. On note 𝕂= ou 𝕂= le corps de référence.

Définition 1.5.

Une famille (zi)iI de nombres complexes ou réels est dite sommable si la famille (|zi|)iI est sommable. On note 1(I,𝕂) l’ensemble des familles sommables d’éléments de 𝕂 indexées par I.

On note

z1=iI|zi|.
Lemme 1.17.

1(I,𝕂) est un espace vectoriel et de plus on a pour u,v1(I,𝕂),μ,ν𝕂 :

λu+μv1|λ|u1+|μ|v1.
Démonstration : 

On voit que c’est un sous-espace vectoriel de l’ensemble des fonctions 𝕂I. D’abord, la famille nulle est sommable et de plus si λ,μ𝕂, (ai),(bi) des familles sommables, pour J fini, on a par l’inégalité triangulaire (des nombres):

iJ|λai+μbi|iJ|λ||ai|+|μ||bi|=|λ|iJ|ai|+|μ|iJ|bi||λ|a1+|μ|b1

donc comme la valeur est bornée, on obtient, la sommabilité de la famille (λai+μbi), donc 1(I,𝕂) est stable par combinaison linéaire et est donc un sous-espace vectoriel de 𝕂I, puisqu’il contient aussi la famille nulle (0).

De plus en passant au sup sur J on obtient λa+μb1|λ|a1+|μ|b1.   □

Comme d’habitude pour définir l’intégrale (ici on va définir de même la somme), on sépare les parties positives, négatives des parties réelles et imaginaires, pour définir la somme. On note donc (ai)+=max(ai,0), (ai)=max(ai,0) de sorte que

zj=(zj)+(zj)+i(zj)+i(zj)

Comme (zj)++(zj),(zj)++(zj)|zj| on déduit que si (zj) est sommable, alors ((zj)+),((zj),((zj)+),((zj)) le sont aussi par domination.

Définition 1.6.

La somme d’une famille sommable (zi)iI est la valeur:

jIzj:=jI(zj)+jI(zj)+ijI(zj)+ijI(zj).
Exercice 1.1.

Vérifier que la somme d’une famille sommable est une application linéaire. (indication: considérer une suite exhaustive de parties finies pour se ramener au cas des sommes finies).

On a le résultat qui résume les propriétés élémentaires:

Proposition 1.18.
  1. 21.

    Une famille (zi)iI est sommable si et seulement si (zi)iI et (zi)iI sont sommables.

  2. 22.

    (zi)iI est sommable si et seulement si (zi¯)iI est sommable et on a :

    jIzj¯=jIzj¯,
  3. 23.

    Pour (zi)iI sommable, on a l’inégalité triangulaire généralisée:

    |jIzj|jI|zj|.
  4. 24.

    (lemme de permutation) Si (zi)iI est sommable et σ:II est une bijection, alors (zσ(i))iI est sommable de même somme. En particulier, si an est une série absolument convergente et σ une permutation de alors aσ(n) est absolument convergente de même somme.

Démonstration : 

1/ Les bornes |zi||zi| et |zi||zi| donnent la condition nécessaire par domination. Réciproquement |zi|=|zi|2+|zi|2|zi|+|zi| et comme 1 est un e.v, on a vu que l’hypothèse implique (|zi|+|zi|)iI sommable d’où le résultat à nouveau par domination.

2/ l’équivalence est évidente en utilisant 2 fois le 1. L’égalité vient directement de la définition.

3/ On fixe une suite exhaustive Jn de I. D’après le critère des suites exhaustives pour les quatre séries à termes positives intervenant dans la somme, jIzj=limnjJnzj,jI|zj|=limnjJn|zj| donc par l’inégalité triangulaire pour les sommes finies (et continuité du module)

|jIzj|=|limnjJnzj|=limn|jJnzj|limnjJn|zj|=jI|zj|.

4/ Tout vient du cas positif, soit par la définition de sommabilité soit par la définition de la somme en terme de somme de familles à termes positifs. Le cas particulier vient du fait que si la famille est indicée par , le critère des suites exhaustives (appliqué à la suite [[0,n]]) implique qu’être sommable équivaut à être absolument convergente.   □

Remarque 1.7.

Une série an telle que pour tout σ permutation de on ait aσ(n) convergeant est dite inconditionnellement convergente. Un résultat classique qu’on trouve par exemple dans Bourbaki Topologie Générale IV.44 [2]dit qu’une série numérique inconditionnellement convergente est absolument convergente. Il n’y a donc pas d’extension possible du dernier énoncé.

On finit avec les résultats de sommation par paquets et de Fubini. Dans les deux cas, on n’a plus d’équivalence comme dans le cas à terme positif. On utilise alors souvent/toujours le cas à terme positif pour montrer la sommabilité nécessaire à appliquer le cas avec signe/complexe.

Théorème 1.19 (de sommation par paquets - Cas Général).

Soit (Iλ)λΛ une partition de I. Si une famille (zi)iI est sommable alors on a les deux propriétés suivantes:

  1. 25.

    pour chaque λΛ, (zi)iIλ est sommable, disons de somme σλ

  2. 26.

    et (σλ)λΛ est sommable.

De plus, on a l’égalité:

iIzi=λΛσλλΛ(iIλzi).
Démonstration : 

Comme (|zi|)iI, la sommabilité de (|zi|)iIλ vient du cas positif. De plus, par l’inégalité triangulaire des familles sommables (proposition 1.18), |iIλzi|iIλ|zi| et le théorème de sommation par paquets assure la sommabilité du membre de droite, donc par comparaison, celle de (σλ)λΛ comme voulu. L’égalité vient du cas positif appliqué aux parties positives et négatives des parties réelle et imaginaire.   □

En appliquant la sommation par paquets à la même partition que dans le cas positif, on obtient:

Théorème 1.20 (de Fubini).

Si une famille double (zi,j)iI,jJ est sommable alors on a les deux propriétés suivantes:

  1. 27.

    pour tout iI, (zi,j)jJ est sommable et la famille des sommes (jJzi,j)iI est sommable

  2. 28.

    pour tout jJ, (zi,j)iI est sommable et la famille des sommes (iIzi,j)jJ est sommable

De plus, on a l’égalité:

(i,j)I×Jzi,j=iI(jJzi,j)=jJ(iIzi,j).