3 Théorème de changement de variables
En pratique, pour calculer une intégrale multiple, on est souvent amené à faire un changement de variables pour se ramener à un domaine plus simple sur lequel appliquer le théorème de Fubini. On énonce le théorème dans le cadre le plus courant où les fonctions que l’on peut utiliser pour faire un changement de variables sont les difféomorphismes de classe .
3.1 Cas affine
On commence par montrer le cas des fonctions affines. Nous allons baser la preuve sur une caractérisation de la mesure de Lebesgue:
Théorème 5.7.
(admis) La mesure de Lebesgue sur est invariante par translation, au sens où pour tout et tout , on a avec .
Inversement, si est une mesure sur finie sur les parties bornées et invariante par translation, alors il existe une constante telle que .
Exercice 5.3.
On cherche à montrer l’unicité. On pose . Montrer en utilisant des recouvrements par des translations d’un ensemble fixé que
-
10.
-
11.
pour , on a
En déduire que et conclure (en utilisant un corollaire du lemme de classe monotone).
Lemme 5.8.
Soit et une matrice inversible. On pose avec , alors pour tout borélien de , on a:
Exercice 5.4.
Si n’est pas inversible montrer que (Indication: on pourra montrer que est inclus dans un hyperplan affine, i.e. un sous-espace affine de dimension , dans le cas dans un s.e.v. de dimension ).
Démonstration :
est bien borélien car est linéaire (en dimension finie donc) continue donc borélienne. De même est la mesure image par donc c’est bien une mesure finie sur les parties bornées (car est borné pour tout borné , cf chapitre 3 avec la norme subordonnée de ). Montrons qu’elle est invariante par translation.
On a pour par invariance par translation de la mesure de Lebesgue. Le théorème précédent montre donc que pour tout borélien . Il suffit donc de bien choisir le borélien pour chaque pour montrer que .
Par décomposition polaire, une matrice réelle s’écrit avec orthogonale et symétrique. Cette matrice peut se diagonaliser en base orthogonale donc, ensemble, cela donne une décomposition où sont orthogonales et est diagonale réelle.
Comme est invariante par translation, on est donc ramené au cas .
On est donc ramener au deux cas orthogonale et diagonale inversible.
Si orthogonale, alors on choisit la boule unité euclidienne car une matrice orthogonale laisse invariante cette boule (c’est par définition une isométrie pour la norme euclidienne) donc et (vu , ).
Si alors on prend car avec si . Dans tous les cas comme voulu.
Dans le cas général, , par composition, on obtient:
□
3.2 Rappel (de L2) sur les difféomorphismes
Définition 5.2.
Soient . Une application une fonction différentiable. est un difféomorphisme si est bijective et que est différentiable.
On dit que est un -difféomorphisme () si de plus et sont de classe .
Proposition 5.9.
Soit un difféomorphisme, alors , est un isomorphisme linéaire (en particulier nécessairement ) et on a :
Remarque 5.2.
-
12.
Le résultat précédent montre que la dimension est invariante par difféomorphisme. De même des ouverts de et ne peuvent être homéomorphes que si mais c’est beaucoup plus dur (Théorème d’invariance du domaine de Brouwer). Par contre, il existe des applications continues surjectives de dans .
-
13.
Le théorème d’inversion locale va donner des conditions pour la réciproque de la proposition précédente
Démonstration :
Comme , en différenciant par le théorème des fonctions composées en , on obtient :
De même en différenciant en on obtient : . Donc et sont inverses l’une de l’autre, ce qui conclut. □
Définition 5.3.
Soit une application différentiable sur un ouvert La matrice de l’application linéaire dans les bases canoniques de et est appelée, matrice jacobienne de et notée :
Remarque 5.3.
Le théorème de dérivation des fonctions composées donne donc :
et le résultat pour les inverses de la proposition précédente s’écrit :
Le théorème suivant avec permettra de vérifier l’hypothèse du théorème de changement de variable.
Théorème 5.10 (d’inversion globale).
Soit une application de classe (avec ) injective et telle que pour tout , est un isomorphisme linéaire, alors est un ouvert de et est un -difféomorphisme.
Remarque 5.4.
est un isomorphisme si et seulement si
3.3 Cas général (admis)
Nous pouvons maintenant énoncer le théorème de changement de variables.33 3 Cette sous-section reprend le cours de 2018-2019 de T. Blossier, M. Carrizosa et J. Melleray.
Théorème 5.11 (Théorème de changement de variables).
Soient deux ouverts de , et un difféomorphisme de classe . Rappelons qu’on note la mesure de Lebesgue sur . Alors on a:
-
14.
Pour toute partie borélienne de , .
-
15.
Si est borélienne, alors
-
16.
Si est intégrable, alors est intégrable sur et on a
Remarque 5.5.
Exemple 5.2.
On considère l’application définie par .
Alors, la matrice jacobienne de est , de déterminant .
De plus, est injective et .
Ainsi, est un -difféomorphisme de sur . Comme , c’est-à-dire est négligeable, il n’est pas gênant que ne soit pas un difféomorphisme de sur tout entier.
Par exemple, calculons
En utilisant le théorème de changement de variables avec les coordonnées polaires (et le théorème de Fubini), on obtient et
Exemple 5.3.
Calculons .
On commence par le changement de variable (pour les intégrales à une variable) , :
avec la dernière égalité venant de la parité de la fonction
Enfin, on calcule le carré de cette intégrale en utilisant d’abord Fubini-Tonelli pour obtenir une intégrale double (on utilise vérifiant comme à l’exemple précédent).
d’où par changement de variable en coordonnée polaire (comme à l’exemple précédent on utilise pour le domaine d’intégration):
On a aussi vérifier que
En faisant, le changement de variable linéaire , on obtient: