Je me suis intéressée dans ma thèse à des problématiques liées à l'approximation des surfaces en se plaçant dans le cadre de la théorie des varifolds, ce qui nous permet d'étudier dans un cadre unifié les objets continus (courbes, surfaces ...) et leurs différentes discrétisations. La motivation initiale était l'étude d'une discrétisation volumique de surface naturellement liée à la structure de varifold. Cette discrétisation consiste à garder la trace d'aire et de la direction tangente à une surface sur un maillage de l'espace : étant donnée une surface et un maillage, on associe à chaque cellule un nombre positif ou nul (l'aire de la surface dans la maille), et une direction (direction tangente moyenne de la surface dans la maille). Ces objets discrets sont introduits dans le Chapitre 2 de ma thèse. Il s'agit d'une façon naturelle de discrétiser les surfaces dans l'esprit de la théorie des varifolds, en dimension et codimension finies quelconques.
La théorie des varifolds a été développée par F. Almgren afin d'étudier les points critiques de la fonctionnelle d'aire. L'ensemble des varifolds rectifiables entiers fournit une notion de surface faible possédant de bonnes propriétés de compacité et munie d'une notion de courbure généralisée appelée variation première. Le point clé est qu'il est possible de munir d'une structure de varifold la plupart des objets utilisés pour représenter ou discrétiser des surfaces c'est-à-dire aussi bien des objets tels que les sous-variétés ou les ensembles rectifiables que des objets tels que des nuages de points ou encore la discrétisation volumique proposée, ce qui permet d'étudier dans un cadre unifié une surface et sa discrétisation.
Une difficulté essentielle est que, généralement, ces structures discrètes ne sont pas rectifiables, ce qui soulève la question suivante : comment assurer qu'un varifold, obtenu comme limite de discrétisations volumiques de la forme proposée, soit une surface, au moins en un sens faible ? De façon plus précise : quelles conditions sur une suite de varifolds quelconques assurent que le varifold limite est rectifiable ou encore qu'il est à variation première bornée ? Afin de tester la rectifiabilité d'un varifold, on peut étudier l'existence d'un plan tangent en presque tout point, mais la façon classique de le définir n'est pas adaptée (c'est-à-dire qu'elle ne se transfère pas aisément de la suite de varifolds à sa limite). Afin d'y remédier, on considère le plan tangent comme minimiseur d'une énergie liée aux nombres beta de Jones, ce qui nous permet d'obtenir des conditions assurant la rectifiabilité d'une limite de varifolds. C'est l'objet de l'article Quantitative conditions of rectifiability for varifolds.
On s'intéresse ensuite à la régularité du varifold limite en termes de courbure (variation première). Dans un premier temps, on a essayé de contrôler la variation première en observant qu'une certaine moyenne de la variation première sur des boules concentriques se réécrivait de façon à avoir un sens même pour un varifold à variation première non bornée. On a alors essayé de reconstruire par ``packing'' la variation première uniquement grâce à ces moyennes (c'est l'objet du Chapitre 4 de ma thèse et de l'article en préparation Recovering measures from approximate values on balls), mais cela n'a pas permis d'établir les conditions désirées. En revanche, cela nous a conduit à considérer une forme régularisée de la variation première d'un varifold (c'est l'objet du Chapitre 5 de ma thèse et de l'article en préparation Regularization of the first variation of varifolds), ce qui a permis d'établir des conditions assurant que la limite d'une suite de varifolds est à variation première bornée. Cette régularisation permet de définir des énergies de Willmore approchées qui Gamma convergent dans l'espace des varifolds vers l'énergie de Willmore classique ainsi qu'une approximation de la courbure qui est testée numériquement sur des nuages de points 2D et 3D (c'est l'objet du Chapitre 6 de ma thèse). On représente sur l'image ci-dessous l'intensité de la courbure moyenne d'un nuage de points représentant un dragon.