1 Lemme de classe monotone

1.1 Définitions

Au lemme 4.3 iii), on a vu comment on remplace les unions dénombrables par des unions croissantes d’une suite d’unions finies. Cela suggère que la notion d’union croissante pourrait remplacer utilement (pour la théorie) celle d’union dénombrable et suggère la définition suivante de classe monotone.11 1 Comme dans le livre de Barbe-Ledoux [1], on suit la tradition française pour cette définition (différente de la tradition anglo-saxone venant du livre de Durett de Probabilités). Attention, ce n’est pas la même définition dans le cours du MGA.

Définition C.1.

Une classe monotone sur Ω est une famille de partie de Ω contenant Ω et stable par différence et unions croissantes, c’est-à-dire 𝒫(Ω) telle que :

  1. 1.

    Ω

  2. 2.

    Si A,B avec BA alors AB.

  3. 3.

    Si {An,n0} est une suite croissante (i.e. AnAn+1, alors n0An.

Lemme C.1 (cf. TD).
  1. 4.

    Une tribu est une classe monotone.

  2. 5.

    Une classe monotone stable par intersection finie est une tribu.

  3. 6.

    Si (i)iI sont des classes monotones, alors leur intersection iIi est une classe monotone.

On peut donc parler de la plus petite classe monotone contenant une famille 𝒜𝒫(Ω), qui est l’intersection de toutes les classes contenant 𝒜, elle est notée (𝒜) et appelée la classe monotone engendrée par 𝒜.

1.2 Le résultat principal

Théorème C.2 (Lemme de classe monotone).

Soit une famille de partie de Ω stable par intersection finie, alors la classe monotone et la tribu engendrée par coïncident : ()=σ().

Démonstration : 

Par le lemme C.1 1), σ() est une classe monotone contenant , donc comme () est la plus petite telle classe, on a ()σ().

() est une tribu. Par le lemme C.1 2), il suffit de voir que :=() est stable par intersection binaire. On pose

𝒦={A:B,AB}.

Comme E est stable par intersection finie, 𝒦. On a Ω et si AC avec A,C𝒦,B, alors (CA)B=(CB)(AB) par différence d’ensembles de . Enfin, de même comme intersection distribue sur les unions croissantes, 𝒦 est stable par intersection croissante et donc une classe monotone. Or elle contient , comme ona vu, donc ()𝒦 et comme par définition 𝒦(). on a égalité.

On est maintenant prêt à définir la classe qui va vérifier la stabilité voulue par intersection :

={A:C,AC}.

On montre comme avant que est une classe monotone (exo). Montrons que . Soit donc B, alors C𝒦 donc, par définition de 𝒦, pour BC. Et comme c’est vrai pour tout C, on en déduit par définition de que B, comme voulu.

Finalement, est une classe monotone telle que () donc, par définition de la classe monotone engendrée, =().

Inclusion réciproque. Comme () est une tribu contenant et que σ() est la plus petite telle tribu, on obtient ()σ().   □

Corollaire C.3 (au lemme de classe monotone).

Soient μ et ν des mesures finies de mêmes masses (i.e. μ(Ω)=ν(Ω)) sur un espace mesurable (Ω,𝒯). Soit une famille stable par intersection finie qui engendre 𝒯. Si μ et ν coïncident sur (i.e. μ(E)=ν(E),E) alors μ et ν sont égales (i.e. μ(B)=ν(B),B𝒯).

Démonstration : 

Soit ={BE:μ(B)=ν(B)}. Par l’hypothèse, contient . Vérifions que c’est une classe monotone:

  • Ω car μ et ν ont même masse.

  • Si A,B,AB, alors par la proposition 4.3 v) on a μ(BA)=μ(B)μ(A)=ν(B)ν(A)=ν(BA).

  • Si A1A2An,An, est une suite croissante, par la proposition 4.3 iii),

    μ(n1An)=limnμ(An)=limnν(An)=ν(n1An).

Bilan, est une classe monotone qui contient , donc (). Or par le lemme de classe monotone ()=σ()=𝒯 d’où le résultat.   □

1.3 Preuve du corollaire 4.19 au lemme de classe monotone sur l’unicité des mesures sigma-finie

On commence par le cas où la suite de parties An est croissante.

Notons μn,νn les mesures induites par μ,ν sur An respectivement. On a deux mesures finies avec μn(E)=μ(EAn)=ν(EAn)=νn(E) pour tout E donc par le corollaire au lemme de classe monotone pour les mesures finies, on déduit μn=νn. Pour tout B𝒯, on a B=B(nAn)=n(BAn) donc par union croissante:

μ(B)=limnμn(B)=limnνn(B)=ν(B).

Dans le cas où la suite An n’est pas croissante, on utilise Bn=i=1nAi qui est une suite croissante, mais pas forcément dans , donc il faut travailler plus pour vérifier l’hypothèse pour la mesure induite sur Bn. D’abord, par la formule de Poincaré:

μ(k=1nAk)=k=1n(1)k11i1<<iknμ(Ai1Aik)<+.

Et comme toutes les intersections sont dans tous les termes de la formule sont égaux aux termes correspondants pour ν donc μ(Bn)=ν(Bn). On considère les mesures induites pour B𝒯(E),μn(B)=μ(BBn),ν(BBn)=νn(B). On vient de voir que μn,νn sont finies. Montrons que pour E μn(E)=νn(E) En effet EBn=k=1n(EAk) et en appliquant la formule de Poincaré encore (en remarquant que les intersections sont celles d’éléments de E.

μ(k=1n(EAk))=k=1n(1)k11i1<<iknμ(EAi1Aik)=k=1n(1)k11i1<<iknν(EAi1Aik)=ν(k=1n(EAk)).

On conclut comme avant du corollaire au lemme de classe monotone pour les mesures finies, que μn=νn. Puis pour tout B𝒯, on a B=B(nBn)=n(BBn) donc par union croissante:

μ(B)=limnμn(B)=limnνn(B)=ν(B).