4 Théorème d’injectivité de la transformée de Fourier

Définition E.1.

La fonction caractéristique (f.c. ou transformée de Fourier) du v.a. (X1,,Xn):Ωn est définie par

Φ(X1,,Xn)(t1,,tn)=𝐄[eit,X],

pour tout t=(t1,,tn)n et en notant le produit scalaire t,X:=i=1ntiXi.

La fonction φX caractérise la loi de X par le théorème d’injectivité de la transformée de Fourier/ théorème d’inversion de la transformée de Fourier ci-dessous. On utilisera aussi plus tard au chapitre 2 la fonction caractéristique pour caractériser une notion de convergence, au chapitre 3 pour l’introduction des vecteurs gaussiens qui seront la base du chapitre 5 sur le mouvement brownien. C’est une notion FONDAMENTALE…

Lemme E.3.

Soit X𝒩(m,σ2) de loi normale alors ΦX(t)=exp(t2σ22+imt).

Démonstration : 

On a vu une preuve à l’exercice 8 du TD 3 de MASS 31 utilisant que la partie imaginaire est nulle par parité et le calcul de la partie réelle en établissant une équation différentielle par intégration dépendant d’un paramètre.

On donne ici une autre preuve par prolongement analytique. Par transfert, on doit montrer 1σ2πeixt(xm)22σ2=exp(t2σ22+imt) en faisant le changement de variables u=(xm)/σ on se ramène au cas σ=1,m=0.

En prenant m=z dans le calcul de la densité, on a pour z

𝑑x12πex2+z22xz2=𝑑x12πe(xz)22=1.

Pour z, en appliquant le résultat précédent

n=0𝑑x12π|zx|nn!ex22=limN𝑑x12πn=0N|zx|nn!ex22𝑑x12πex22+|zx|exp(|z|22)<

La première bornitude permet d’appliquer le TCD pour les séries (ou Fubini pour la mesure discrète) et intervertir somme et série :

n=0zn𝑑x12πxnn!ex22=𝑑x12πex22+zx

la fonction de droite est donc la somme d’une série entière exp(z22) pour z, donc par identification des coefficients, elle vaut cette valeur pour tout z, en particulier pour z=it et on trouve le résultat.   □

On démontrera le théorème suivant dans la prochaine section puisque la preuve utilise des propriétés générales de l’indépendance importante à noter pour elles-mêmes:

Théorème E.4 (Théorème d’injectivité de la transformation de Fourier).

Deux v.a. (X1,,Xn),(Y1,,Yn) tels que

Φ(X1,,Xn)(t)=Φ(Y1,,Yn)(t)tn

sont égales en loi, c’est à dire :

P(X1,,Xn)=P(Y1,,Yn).

De plus, si ΦXL1(n,Leb) alors P(X1,,Xn) a une densité par rapport à la mesure de Lebesgue donnée par (la transformée de Fourier inverse) qui est une fonction continue :

f(X1,,Xn)(x)=1(2π)nnΦ(X1,,Xn)(t)exp(ix,t)𝑑t.

4.1 Sommes de variables aléatoires indépendantes (Rappels)

Vous avez probablement vu en TD de théorie de la mesure la définition de la convolution que l’on rappelle ici et relie aux sommes de variables aléatoires indépendantes.

Définition E.2 (Convolution).

Soit μ une mesure de Proba sur Sd et f: une fonction mesurable telle que pour tout xS, yf(xy) est dans L1(d,μ), la convolution de f et μ est la fonction fμ définie par :

(fμ)(x)=df(xy)𝑑μ(y).

Si μ est absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue de densité g, on note aussi fg.

Proposition E.5.

Soient X,Y:Ωd des v.a. indépendantes :

  1. 6.

    td,ΦX+Y(t)=ΦX(t)ΦY(t)

  2. 7.

    Si Xi,Yi sont dans L2(Ω), Cov(Xi+Yi,Xj+Yj)=Cov(Xi,Xj)+Cov(Yi,Yj).

  3. 8.

    Si PX(dx)=f(x)dx,PY(dx)=g(y)dy alors PX+Y est absolument continue par rapport à Lebesgue (sur d) de densité fg définie Lebesgue p.p.:

    PX+Y(dz)=(fg)(z)dz.
  4. 9.

    Si seulement X est de loi absolument continue mais de densité continue bornée f, alors quel que soit Y, PX+Y est absolument continue par rapport à Lebesgue (sur d) de densité fPY (définie partout). De plus, pour tout h continue bornée :

    E((hf)(Y))=E(h(X+Y)).
Démonstration : 

1. On a ΦX+Y(t)=𝐄[eit(X+Y)]=𝐄[eitXeitY]=𝐄[eitX]𝐄[eitY]=ΦX(t)ΦY(t) l’avant dernière égalité par indépendance car f(x)=eitx est bornée donc intégrable (par rapport à une probabilité).

2. En général par bilinéarité Cov(Xi+Yi,Xj+Yj)=Cov(Xi,Xj)+Cov(Yi,Yj)+Cov(Yi,Xj)+Cov(Yi,Xj), mais ici par indépendance les deux derniers termes sont nuls.

3.Il faut d’abord vérifier que fg est bien définie. Par Fubini-Tonelli vu le caractère positif :

n𝑑xn𝑑yf(xy)g(y)=n𝑑y(n𝑑xf(xy))g(y)=n𝑑yg(y)=1

donc n𝑑yf(xy)g(y) existe et est fini p.p.

En prenant h mesurable positive et en appliquant le transfert, on obtient par changement de variables z=x+y dans l’intégrale sur y obtenue par Fubini:

E(h(X+Y))=2dh(x+y)f(x)𝑑xPY(dy)=2dh(z)f(zy)𝑑zPY(dy)=dh(z)(fPY)(z)𝑑z

ce qui donne le calcul de densité (égalité de la loi avec seulement le cas h=1B). Dans le cas de 4. on raisonne pareil sauf que f continue bornée donne xf(xy) intégrable par rapport à la proba PY directement. L’application de Fubini vient de 2d|h(z)f(zy)|𝑑zPY(dy)h. L’égalité intermédiaire donne aussi E(h(X+Y))=d(hf)(y)PY(dy)=E((hf)(Y)) par transfert.   □

4.2 Preuve [Facultative] du Thm d’injectivité de la transformée de Fourier

On va utiliser les lois gaussiennes pour se ramener au cas avec densité tout en exploitant leurs propriétés de stabilité par cette transformée.

Lemme E.6.

Soit gσ la densité sur n d’un n-uplet de variable gaussienne i.i.d. 𝒩(0,σ2). Pour tout h:n continue bornée, (hgσ)(x)σ0h(x). On a même convergence uniforme sur tout compact.

En terme de convergence en loi, cela signifiera au chapitre 2 que si (X1(σ),,Xn(σ)) sont les variables de densités gσ, alors x+(X1(σ),,Xn(σ))σ0x en loi en utilisant la proposition E.5.(4) au cas Y=x.

Démonstration : 

Par transfert et changement de variables

(hgσ)(x)h(x)=d(h(xσz)h(x))g1(z)𝑑z.

En prenant, en prenant le supremum sur un compact K :

supxK|(hgσ)(x)h(x)|dsupxK|(h(xσz)h(x))|g1(z)dz

la limite vient de la convergence dominée par une constante 2h puisque une constante est intégrable par rapport à une probabilité comme g1(z)dz, et la limite ponctuelle en z vient de la continuité de h qui est donc uniformément continue sur K+B(0,|z|) et donc pour |σ|<1,xσz,x sont dans ce compact de distance σ|z| tendant vers 0. Si h est uniformément continue sur d on a même convergence uniforme sur d.   □

On a aussi besoin de la conséquence suivante du lemme de classe monotone:

Proposition E.7.

Soient X,Y:Ωn des variables aléatoires. Les propriétés suivantes sont équivalentes

  1. 10.

    X,Y sont égales en loi : PX=PY.

  2. 11.

    Pour tout h:n, continue bornée, h(X)𝑑P=h(Y)𝑑P

  3. 12.

    Pour tout ouvert O de n, PX(O)=PY(O).

  4. 13.

    pour tout (x1,,xn)n :

    PX(],x1]××],xn])=PY(],x1]××],xn]).

La fonction FX(x1,,xn)=PX(],x1]××],xn]) appelée fonction de répartition caractérise donc la loi.

Démonstration : 

Les produits d’intervalles ],x1]××],xn] et les ouverts sont des familles stables par intersection finie et engendrent la tribu des boréliens de n (car par intersection et complémentaire on obtient les boules carrées de la norme infini et que tout ouvert de n est union dénombrable de telles boules, de centre un point de n par densité de n.) On applique donc le lemme de classe monotone pour obtenir les 2 dernières équivalences. 1 implique 2 vient du th de transfert plus bas comme l’équivalence de 2 avec : Pour tout h:d, dh(x)𝑑PX(x)=dh(x)𝑑PY(x).

Pour montrer 3 à partir de 2 et conclure, il suffit de remarquer que hn(x)=max(1,nd(.,Oc)) sont des fonctions continues bornées par 1 (car la distance à un fermé xd(x,Oc)=inf{d(x,y),yOc} est continue, cf. MASS 31). Si xOc, hn(x)=0 et sinon, hn est une suite croissante qui tend vers hn(x)1O(x) (car si xO, nd(.,Oc) donc 1 pour n assez grand donc hn(x)=1 pour n assez grand). Donc par convergence monotone, dhn(x)𝑑PX(x)PX(O) d’où l’égalité du 3. par celle du 2.   □

Preuve du Thm E.4

Pour montrer l’injectivité, par le lemme E.7, il suffit de montrer que l’égalité des transformée de Fourier implique égalité de 𝐄(h(X)) pour tout h continue bornée.

Or par le lemme précédent, (hgσ)(x)h(x) tout en étant borné par h donc par TCD :

𝐄(h(X))=limσ0𝐄((hgσ)(X))=limσ0𝐄(h(X+Yσ))

la dernière égalité avec Yσ de densité gσ et indépendant de X par la proposition E.5 (4) puisque la densité gσ est continue bornée. Or la transformée de Fourier de X+Yσ est ΦX+Yσ(t)=ΦX(t)ΦYσ(t) par la proposition E.5 (2) et donc

ΦX+Yσ(t)=ΦX(t)exp(t22σ22)

par le calcul du lemme E.3. Comme ceci est intégrable, on s’attend à avoir la formule d’inversion de Fourier de la deuxième partie qui va donner 𝐄(h(X+Yσ)) en fonction de ΦX+Yσ(t), nous allons donc la montrer à la main dans ce cas pour conclure la preuve.

Or en interprétant la densité comme une variante de la transformée de Fourier dans le cas gaussien :

(gσPX)(x)=d1σd(2π)d/2exp(xy222σ2)PX(dy)=2dPX(dy)dv1σd(2π)dexp(v22+iyxσ,v))

soit par le changement de variables u=v/σ de jacobien σd on obtient

𝐄(h(X+Yσ))=ddxh(x)(gσPX)(x)=3ddxPX(dy)dvh(x)1(2π)dexp(σ2v22+iyx,v))

soit en appliquant Fubini sur les intégrales en y,v

𝐄(h(X+Yσ))=2ddxdvh(x)(2π)dexp(σ2v22ix,v))ΦX(v)=2ddxdvh(x)(2π)dexp(ix,v))ΦX+Yσ(v)

qui est la formule souhaitée qui ne dépend bien que de la transformée de Fourier ΦX et conclut l’injectivité.

Maintenant si ΦX est intégrable |h(x)ΦX+Yσ(v)|h(x)|ΦX(v)| est une domination (si h est à support compacte) et puisque ΦX+Yσ(v)σ0ΦX(v) par les formules précédentes, on obtient par le TCD la formule souhaitée pour la densité à la limite. La continuité de la densité vient du Théorème de continuité des intégrales à paramètres. On remarque qu’en utilisant 𝐄(h(X)))=ddxh(x)fX(x) pour tout h positive continue à support compact, on déduit fX positive (sinon par continuité elle est négative sur un ouvert dans lequel on peut prendre le support de h pour contredire positivité de l’intégrale) et par convergence monotone et faisant tendre h1, on déduit fX intégrable et densité de proba. D’où on peut utiliser 𝐄(h(X)))=ddxh(x)fX(x) (maintenant valable pour h continue bornée car fX peut servir de domination) pour identifier PX(dx)=fX(x)dx en utilisant le lemme E.7.   □