5 Séparation des convexes (Niveau M1)

Un élément fE tel que f0 permet de construire un hyperplan fermé (translation de Ker(ϕ), voir lemma 2.30): {xE,f(x)=c}. Les deux ensembles {xE,f(x)c} et {xE,f(x)c} sont des demi-espaces. On dit que deux ensembles sont séparés (par l’hyperplan) si chaque ensemble est dans un des demi-espaces. On parle de séparation stricte si C1{xE,f(x)<c} et C2{xE,f(x)>d} pour d>c.

On va obtenir un résultat de séparation en utilisant un résultat abstrait de prolongement :

Théorème B.9 (de prolongement de Hahn-Banach) (admis).

Soient E un espace vectoriel, p:E une application positivement homogène et sous-additive, c’est-a-dire vérifiant :

  • p(tx)=tp(x)xE,t>0

  • p(x+y)p(x)+p(y),x,yE.

Soient GE un sous-espace vectoriel et g:G une application linéaire dominée par p:

xG,g(x)p(x).

Alors il existe une forme linéaire f sur E qui prolonge g (c’est-à-dire xG,g(x)=f(x)) et encore dominée par p, c’est-à-dire telle que

xE,f(x)p(x).

La version suivante du théorème de Hahn-Banach permet de séparer des ensembles convexes bien choisis.

Théorème B.10 (de séparation de Hahn-Banach).

Soient A,B deux convexes non-vides disjoints d’un e.v.n. E, ils sont séparés par un hyperplan dans les deux cas suivants :

  1. 18.

    Si A est ouvert, alors il existe fE et c telle que

    xA,yB:f(x)<cf(y).
  2. 19.

    Si A est compact et B est fermé, alors il existe fE et c<d telle que

    xA,yB:f(x)<c<d<f(y).
Démonstration : 

1) Premier cas : B={x0}.

On peut supposer que 0A pour utiliser la fonctionnelle μA comme fonctionnelle sous-additive et positivement homogène p du théorème de Hahn Banach. Soit G=x0 et g(tx0)=t.

On remarque que μA(x0)1 car A=Int(A)={x:μA(x)<1} par le théorème B.7 et x0A.

donc pour t¿0 g(tx0)=ttμA(x0)=μA(tx0) et pour t0 g(tx0)0μA(tx0). Donc on obtient la domination hypothèse de Hahn-Banach :

xG,g(x)μA(x).

En appliquant le théorème, on obtient donc f linéaire étendant g et telle que (en réutilisant la lipshitzianité obtenue dans la preuve du théorème B.7 (5))

xE,f(x)μA(x)Mx.

Ceci implique en particulier fE, f(x)<1 pour xA et f(x)=1 sur B. Ce qui donne la séparation.

Second cas : B quelconque.

On pose C=AB qui est convexe, ouvert (comme union yBAy) et 0C. Donc d’après le premier cas il existe fE telle que f(z)<0 pour z=abAB soit f(a)<f(b) pour aA, bB. En passant au sup on obtient :

SupxAf(x)InfyBf(y):=c.

De plus, comme A ouvert on obtient AInt({x:f(x)c})={x:f(x)<c}.

2)Vérifions qu’il existe ϵ>0 tel que A+B(0,ϵ) et B+B(0,ϵ) soient disjoints (ce sont aussi des convexes ouverts comme au 1). Sinon, on trouve xnA+B(0,1/n)B+B(0,1/n) donc ynA,znB avec ynxn,znxn1/n. En extrayant par compacité une sous-suite ynkyA on obtient znkyB, une contradiction.

Donc on peut appliquer le cas 1) à A+B(0,ϵ) et B+B(0,ϵ) . On obtient fE non-nulle telle que :

aA,zB(0,ϵ),bB:f(a)+f(z)αf(b)+f(z)

En prenant des sup sur la boule unité :

aA,bB:f(a)+||f||ϵαf(b)||f||ϵ.

Comme f0, il suffit de prendre c=αfϵ/2<d=α+||f||ϵ/2.   □

Applications

Il vient de l’application directe au cas A={x}, B={y} qui sont des compacts.

Proposition B.11 (separation des points).

E sépare les points de E : Pour xyE il existe fE telle que f(x)f(y).

Le deuxième cas particulier permet de séparer un point et un espace fermé F¯

Proposition B.12.

Si FE un sous-espace vectoriel de l’e.v.n. E. Si xF¯ alors il existe fE telle que f(x)=1 et FKer(f).

En particulier, F=0 ssi F est dense dans E.

La proposition précédente a des conséquences intéressantes pour comprendre l’injectivité et la surjectivité (ou plutôt la densité de l’image) des applications linéaires en dimension infinie.

On commence par un préliminaire algébrique sur l’orthogonalité dans les espaces de Banach.

Définition B.6.

Soit E un e.v.n. et F un sous-espace de E et N un sous-espace de E. Les orthogonaux de F et N sont les sous-espaces fermés :

F:={fE,f(x)=0xF},
N:={xE,f(x)=0fN}.
Proposition B.13.

Soient X,Y des e.v.n et TL(X,Y). Alors

Ker(Tt)=[Im(T)]Ker(T)=[Im(Tt)].
Démonstration : 

En effet, yKer(Tt) ssi pour tout xE, 0=[Tt(y)](x)=y(T(x)) ssi y[Im(T)].

De même, yKer(T) ssi pour tout xE, 0=x[T(y)]=[Tt(x)(y) ssi y[Im(Tt)].   □

Proposition B.14.

Soient X,Y des e.v.n et TL(X,Y).

  1. 20.

    Im(T) est dense dans Y si et seulement si Tt est injectif.

  2. 21.

    Si XY, (X)=X¯ est la fermeture normique de X dans Y.

Démonstration : 

Pour 1, Tt est injectif si et seulement si Im(T)=Ker(Tt)=0 (proposition B.13) ssi Im(T) est dense par la proposition précédente.

Pour 2, X(X) donc comme le terme de droite est fermé, l’adhérence est inclus. Réciproquement, soit xX¯ par la conséquence de Hahn-Banach ci-dessus, soit fE telle que f(x)=1, et fX, on déduit que x(X).   □

Le résultat suivant qu’on a utilisé pour les calculs de cônes normaux est un exercice typique d’application de Hahn-Banach.

Proposition B.15.

Soit {fi:i=1,2,,k} un ensemble fini dans E (pour un e.v.n. E). Les affirmations suivantes sont équivalentes :

  1. (1)

    Il n’y a aucun vE tel que fi(v)<0 pour tout i[1,n] ;

  2. (2)

    L’ensemble {fi:i=1,2,,k} est positivement linéairement dépendant : il existe un vecteur non-nul λ=(λ1,,λk)0 avec λk0 tel que i=1kλifi=0.

Démonstration : 

Montrons premièrement le sens facile: (2)(1). A partir de λi>0, on obtient en appliquant à v, i=1kλifi(v)=0, Or fi(v)0 pour tout i implique i=1kλifi(v)<0, donc cela implique (1) par contraposée.

Dans l’autre sens (1)(2), on utilise le théorème de séparation de Hahn-Banach pour

K1={yk:yi<0,i{1,2,,k}},K2={(f1(v),f2(v),,fk(v)):vE}.

Vu que pi(y)=yi est linéaire sur k de dimension finie, donc convexe continue, on obtient que K1=i=1kpi1(],0[) est une intersection finie de convexes ouverts, donc un convexe ouvert.

K2=Im(f1,,fk)0 est un s.e.v de k, donc un convexe non-vide. (1) indique qu’ils sont disjoints. Par conséquent le cas 1 du théorème B.10 s’applique et donne λ=(λ1,,λk)E=k et c tels que:

xK1,yK2,λ,x<cλ,y

.

Comme K2 est un s.e.v., pour t0 on a ctλ,y0, donc c0. De plus c±nλ,y et donc ±nλ,yc=|c| force |λ,y||c|n0 donc λ,y=0.

De plus (1n,,1,,1n)K1 so λi1njiλj<c0. Donc en passant à la limite, n, on obtient λi0, donc λi0. Et λ0 vient de λ,(1,,1)<0.