3 Intégrale des fonctions mesurables positives

On peut maintenant définir l’intégrale des fonctions mesurables positives:

Définition 4.12.

Soit f:Ω[0,+] une fonction mesurable positive sur un espace mesuré (Ω,𝒯,μ), on définit l’intégrale de f sur B𝒯 par rapport à μ par:

Bf𝑑μBf(ω)𝑑μ(ω)=sup{Bg𝑑μ:ge´tage´e, 0gf}[0,+].
Remarque 4.3.

Pour la mesure de comptage ν sur I, toute suite a:I[0,+] est mesurable positive et l’intégrale correspond à la définition de la somme d’une famille sommable:

If𝑑ν=iIai=sup{jJaj:JI,fini}.
Remarque 4.4.

Si f est étagée positive, pour chaque gf étagée positive, on a vu au lemme 4.20, Bg𝑑μBf𝑑μ donc

Bf𝑑μsup{Bg𝑑μ:ge´tage´e, 0gf}.

Et comme f fait parti des g du sup, on a en fait égalité, et la valeur de la définition du cas étagé positif coïncide avec la nouvelle valeure.

3.1 Premières propriétés

On reporte à l’annexe C section 4.3 la preuve facile mais fastidieuse du lemme suivant:

Lemme 4.22.

Soit (Ω,𝒯,μ) un espace mesuré, et f,h:(Ω,𝒯)[0,+] mesurable positive, A,B𝒯:

  1. 31.

    (monotonie) Si 0fh alors 0Bf𝑑μBh𝑑μ.

  2. 32.

    Si f0, alors Bf𝑑μ=Ω1Bf𝑑μ. En particulier, pour AB, 0Af𝑑μBf𝑑μ.

  3. 33.

    Si f0, c0, alors Bcf𝑑μ=cBf𝑑μ.

  4. 34.

    Si f=0 ou μ(B)=0, alors Bf𝑑μ=0.

  5. 35.

    (sur-additivité) Bf+hdμBf𝑑μ+Bh𝑑μ.

La dernière propriété n’est pas optimale, nous verrons l’additivité en utilisant le théorème de convergence monotone. Nous la mentionnons ici pour signaler que l’additivité n’est pas évidente à partir de la définition.

3.2 Théorème de convergence monotone de Beppo Levi

Théorème 4.23 (Théorème de convergence monotone ou TCM).

Soit Zn:(Ω,𝒯)[0,+], une suite croissante de fonctions mesurables positives qui tend simplement vers Z. Alors Z est mesurable et pour tout B𝒯:

limnBZn𝑑μ=BZ𝑑μBlimnZndμ.
Démonstration : 

La mesurabilité de Z vient du théorème 4.18. Posons α=supnBZn𝑑μ.

Comme ZnZmZ pour nm, la monotonie de l’intégrale (du lemme 4.22) montre que

BZn𝑑μBZm𝑑μBZ𝑑μ

Donc, comme la suite BZn𝑑μ est croissante, elle converge vers son sup et :

limnBZn𝑑μ=αBZ𝑑μ.

Pour la réciproque, soit 1>ϵ>0 et une fonction étagée g(ω)=i=1mbi1Bi(ω)Z(ω). On pose An={ωΩ:Zn(ω)Z(ω)ϵZ(ω)}. Par la monotonie de l’intégrale et la formule pour les fonctions étagées:

BZn𝑑μBZn1An𝑑μ(1ϵ)Bg1An𝑑μ=(1ϵ)i=1mbiμ(BiAnB). (4.1)

Remarquons finalement que n0An=Ω vu que pour tout ωΩ, Zn(ω)Z(Ω)>Z(ω)ϵZ(ω). Comme Zn est croissante, An est aussi croissante donc par la proposition 4.3,

μ(BiAnB)μ(nBiAnB)=μ(BiB).

En passant à la limite dans (4.1), on obtient :

α(1ϵ)i=1mbiμ(BiB)=(1ϵ)Bg𝑑μ

soit en passant au sup sur gZ puis à la limite ϵ0, on obtient l’inégalité voulue αBZ𝑑μ.

On obtient un résultat concret d’approximation pour Bf𝑑μ.

Corollaire 4.24.

Soit f mesurable positive. Pour toute suite croissante de fonctions étagées telle que fnf, on a Bfn𝑑μBf𝑑μ.

Corollaire 4.25 (Linéarité de l’intégrale: cas positif).

Soient f,g mesurables positives et α,β>0, on a:

Bαf+βgdμ=αBf𝑑μ+βBg𝑑μ.
Démonstration : 

Par le lemme 4.21, on a des suites croissantes de fonctions étagées fnf,gng donc αfn+βgn est une suite croissante de fonctions étagées et αfn+βgnαf+βg. Par le TCM ou le corollaire précédent, en passant à la limite dans l’égalité du lemme 4.20:

Bαfn+βgndμ=αBfn𝑑μ+βBgn𝑑μBαf+βgdμ=αBf𝑑μ+βBg𝑑μ.

Corollaire 4.26 (Interversion Série-intégrale: cas positif).

Soient fn:Ω[0,+] une suite de fonctions mesurables positives alors la somme n0fn:Ω[0,+] est mesurable et on a pour tout B𝒯:

Bn0fndμ=n0Bfn𝑑μ.
Démonstration : 

La suite des sommes partielles Sn=k=0nfk est croissante mesurable (par somme finie). Le résultat est donc une application du TCM.  □

3.3 Lemme de Fatou

Théorème 4.27 (Lemme de Fatou).

Soient B𝒯 et Xn:(Ω,𝒯)[0,+], une suite de fonctions mesurables positives alors lim infnXn est mesurable et

Blim infnXndμlim infnBXn𝑑μ.
Démonstration : 

La mesurabilité de lim infnXn vient du théorème 4.18.

Par définition, lim infnXn=supmZm pour la suite croissante Zm=infnmXnXm. En particulier, par monotonie de l’intégrale, BZm𝑑μBXn𝑑μ pour nm, donc en passant à l’infimum: BZm𝑑μinfnmBXn𝑑μ.

Par le théorème de convergence monotone, on obtient (en combinant à l’inégalité ci-dessus) :

Blim infnXndμ=limmBZm𝑑μ=supmBZm𝑑μsupminfnmBXn𝑑μlim infnBXn𝑑μ.