6 Comparaison aux constructions de L2

6.1 Intégrale de Riemann des fonctions continues par morceau

Comme on a vu au chapitre 2, la base de l’intégrale de Riemann est la notion de fonction en escalier. Ce sont des combinaisons linéaires d’indicatrices d’intervalles de forme 1]a,b[ et 1{c}. Or les intervalles sont des boréliens, donc les fonctions en escalier sont boréliennes étagées. On a

1]a,b[𝑑λ=(ba)=1]a,b[(x)𝑑x,1{c}𝑑λ=0=1{x}(x)𝑑x,

donc par combinaison linéaire, intégrale de Riemann et de Lebesgue par rapport à la mesure de Lebesgue coïncident.

Soit f continue par morceau sur [a,b], l’intégrale de Riemann est construite en choisissant fn en escalier convergent uniformément vers f et donc simplement, donc f est borélienne comme limite simple de fonctions boréliennes (cf. le théorème 4.18). De plus, elle est bornée donc intégrable sur [a,b].

Quitte à décomposé en partie réelle et imaginaire, on suppose f réelle. DOnc pour tout x[a,b] on a |f(x)fn(x)|fnf soit

fn(x)fnff(x)fn(x)+fnf.

En intégrant au sens de Lebesgue, et en utilisant que les deux côtés coïncident avec celle de Riemann, on obtient l’inégalité:

abfn(x)𝑑xfnf(ba)[a,b]f𝑑λabfn(x)𝑑x+fnf(ba).

En passant à la limite n, on a fnf0 et abfn(x)𝑑xabf(x)𝑑x par définition de l’intégrale de Riemann. On a donc obtenu:

Théorème 4.34.
  1. 45.

    Toute fonction continue par morceau sur un segment [a,b] est intégrable par rapport à la mesure de Lebesgue λ et son intégrale de Riemann coïncide avec celle pour la mesure de Lebesgue:

    abf(x)𝑑x=[a,b]f𝑑λ.
  2. 46.

    Toute fonction continue par morceau intégrable sur un intervalle I (]a,b],]a,b[ ou [a,b[) est intégrable par rapport à la mesure de Lebesgue λ et son intégrale de Riemann coïncide avec celle pour la mesure de Lebesgue: abf(x)𝑑x=If𝑑λ.

On pourra donc appliquer les théorèmes précédents aux intégrales (de Riemann) usuelles vues en L2.

Remarque 4.6.

Pour les fonctions f:[a,b], on peut définir une notion plus générale de fonction “Riemann intégrable”, elle même plus générale que l’intégrale des fonctions continues par morceaux. L’intégrale de Lebesgue généralise aussi cette version plus générale, cf. e.g. http://math.univ-lyon1.fr/homes-www/mironescu/resources/cours_mesure_integration.pdf section 6.8.1

6.2 Mesures à densité

Le résultat suivant est laissé en exercice

Proposition 4.35 (Mesures à densité (ou absolument continue)).

Soit f:X[0,+] une fonction mesurable. On définit une application ν:𝒜[0,+] par

ν(A)=Af𝑑μ.

Alors, ν est une mesure sur X, appelée mesure de densité f par rapport à μ. De plus h est intégrable par rapport à ν si et seulement si fh est intégrable par rapport à μ et:

Xh𝑑ν=Xfh𝑑μ.

Pour une mesure à densité ν par rapport à μ, si μ(A)=0 alors ν(A)=0. En fait, cette propriété caractérise les mesures à densité (c’est un théorème beaucoup plus dur, le théorème de Radon-Nikodym cf. section 5)

Exemple 4.7.

On peut définir une mesure de probabilité sur les boréliens de en posant

μ(A)=12πAex22𝑑λ(x).

Cette mesure s’appelle la mesure gaussienne. C’est un exemple de probabilité à densité par rapport à la mesure de Lebesgue. Pour vérifier qu’il s’agit bien d’une probabilité, il faut vérifier que :

μ()=12πex22𝑑λ(x)=1.

On le vérifiera plus loin par changement de variable à la fin du chapitre 5 à la formule (5.1)

6.3 Lien avec les Séries

Soit Ω un ensemble. On considère l’espace mesuré (Ω,𝒫(Ω),ν). Tout fonction f:Ω¯ est 𝒫(Ω)-mesurable. On peut donc ignorer la mesurabilité pour le cas des séries.

Cas Ω={ω1,,ωn} fini

Toute fonction s’écrit f=k=1nf(ωk)1{ωk} et est donc étagée. On déduit que Ωf𝑑ν=k=1nf(ωk), d’abord pour les fonctions étagées, puis positives, puis quelconques (on peut prendre toutes les limites constantes).

Cas Ω=

Lemme 4.36.
  1. 47.

    Si f0 alors Ωf𝑑ν=n=0f(n)

  2. 48.

    f est intégrable si et seulement si f(n) est absolument convergente et encore

    Ωf𝑑ν=n=0f(n).
Démonstration : 

1) Soit fn=k=1nf(k)1{k} est une suite croissante de fonctions donc par le TCM Ωf𝑑ν=limnΩfn𝑑ν=limnk=0nf(k)=n=0f(n)

2) L’équivalence vient du 1) f est intégrable ssi |f| a une intégrale fini, donc ssi n=0|f(n)| c’est à dire ssi f(n) est absolument convergente. La définition de l’intégrale et de la somme coïncident alors

Ωf𝑑ν=Ωf+𝑑νΩf𝑑ν=n=0f(n)+n=0f(n)=n=0f(n).

Cas Ω={ωn,n} dénombrable

On a ω:Ω une bijection, donc la mesure image νω({i})=ν({ω1(i)}=1=ν({i}) est encore la mesure de comptage, le théorème de transfert donne donc :

Lemme 4.37.

Pour tout f:Ω[0,+],

Ωf𝑑ν=f(ω)𝑑ν=n=0f(ωn)

En particulier, si σ: est une bijection n=0f(σ(n))=n=0f(n) et le même résultat est valide pour les séries absolument convergentes (on dit qu’elles sont commutativement convergentes.) Aussi L1(Ω,ν)=1(Ω) est l’ensemble des familles sommables sur Ω avec la norme 1.

Probabilité discrète sur Ω={ωn,n} dénombrable

C’est une densité f:Ω[0,+] par rapport à la mesure de comptage telle que Ωf𝑑ν=n=0f(ωn)=1.