4 Bases Hilbertiennes
Définition 7.4.
Soit un espace préhilbertien. Une famille est dite orthogonale si pour tout , .
Si de plus , elle est dite orthonormale.
Une base hilbertienne (ou base orthonormale) de est une famille orthonormale telle que est dense dans .
Exemple 7.6.
la suite dont la seule coordonnée non-nulle est la i-ème égale à donne une base hilbertienne de . (par construction de ) Les bases hilbertiennes vont permettre d’identifier tout espace de Hilbert à cet exemple.
4.1 Procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt
Notons11 1 Cette sous-section reprend le cours de 2018-2019 de T. Blossier, M. Carrizosa et J. Melleray. tout d’abord que la projection d’un point sur un sous-espace vectoriel de dimension finie se calcule facilement à l’aide d’une base (de préférence orthonormale) de :
Proposition 7.7.
Soit un espace de Hilbert et un sous-espace vectoriel de dimension finie avec une base de (non nécessairement orthonormale). Soit . Alors est inversible et pour tout , on a
Démonstration :
Pour voir que est inversible, il suffit de montrer que les vecteurs de ces lignes sont linéairement indépendants. Si on a , on a pour tout . En prenant une combinaison linéaire
donc donc comme était une base, on obtient pour tout , ce qui donne la liberté voulue.
Pour , on a
donc donc par caractérisation de la projection orthogonale
□
Remarque 7.5.
Voici un cas particulier important du résultat précédent. Soit un espace de Hilbert et un sous-espace vectoriel de dimension finie avec une base orthonormale de . Alors pour tout , on a
Exemple 7.7.
Soit et , on a vu en TD que . et un espace de dimension au plus 2 engendrée par (du moins si ont mesures finis). Cette famille est orthogonale mais pas orthonormale. Supposons ces deux nombres non nuls et finis de sorte que a exactement dimension 2. Alors la matrice de la proposition précédente est et , la formule de projection donne donc pour :
Rappelons que le procédé de Gram-Schmidt permet de calculer une base orthonormale d’un espace euclidien à partir d’une base donnée :
Proposition 7.8 (Procédé de Gram-Schmidt).
Soit un espace euclidien et une base (resp. une famille libre) de . Pour chaque , notons le sous-espace vectoriel engendré par . Alors, la famille définie de la manière suivante est une base orthonormale (resp. une famille orthonormale) de :
pour .
Exercice 7.1.
Vérifier que les vecteurs , et forment une base de . Utiliser le procédé de Gram-Schmidt sur cette base pour obtenir une base orthonormale.
4.2 Théorème des bases
Exemple 7.8.
définit une base hilbertienne de l’espace pré-hilbertien l’ensemble des fonctions continues périodiques, muni du produit scalaire :
C’est la base des décompositions en série de Fourier (on montrera cela plus en détail dans la section suivante). Le but est de décomposer de façon similaire tout vecteur de comme somme d’une série en fonction d’une base.
Théorème 7.9.
Soit un espace préhilbertien et un ensemble dénombrable.
-
10.
Une famille orthonormale est libre et vérifie l’inégalité de Bessel, pour tout :
-
11.
De plus une famille orthonormale est une base hilbertienne si et seulement si on a l’égalité de Bessel-Parseval, pour tout :
De plus, dans ce cas, pour tout , la série suivante converge (dans mais pas absolument)
-
12.
Si est un espace de Hilbert séparable, toute famille orthonormale peut être complétée en une base hilbertienne au plus dénombrable de et établit alors une isométrie surjective
Remarque 7.6.
De la formule pour x, on tire par continuité la formule pour le produit scalaire (qui est une série absolument convergente par Cauchy-Schwarz):
Démonstration :
Comme est dénombrable, on peut supposer et on suppose .
(1) Si , on calcule donc est bien libre. Soit , on a déjà vu la formule pour la projection orthogonale sur :
Donc par la propriété de contraction de et l’orthogonalité
En passant à la limite on obtient l’inégalité de Bessel pour la somme et on trouve en particulier
(2) Si est une base soit convergeant vers .
De plus, pour assez grand et pour tout ,
(avec la dernière inégalité pour assez grand) d’où en prenant tel que (car est dans un certain comme combinaison linéaire finie des ), on obtient
et donc la somme de la série est d’où l’égalité de Parseval.
Réciproquement, Si on a égalité, on a la limite
et ceci implique par le théorème de Pythagore :
donc tout élément de est limite d’éléments de d’où la propriété de densité manquante pour obtenir une base hilbertienne.
De plus un calcul donne la formule pour :
(3) Soit la famille othonormale de départ. Soit , on cherche une base orthonormale de pour compléter , il est bien séparable comme sous espace de . Soit une famille dénombrable dense de . Quitte à extraire une sous-suite, on peut supposer que de sorte que est une famille libre.
On peut donc orthonormaliser et obtenir tel que . Par la construction, on remarque que l’orthonormalisation pour on commence par les mêmes vecteurs et on obtient donc une famille orthonormale Comme
ces deux ensembles sont denses et donc est une base de . Maintenant, et forment une famille orthonormale de et tout est une base de par définition de , donc la décomposition orthogonale permet d’approcher par un élément , par un élément et tend vers , d’où la densité voulue pour que forme une base de .
Une fois l’existence d’une base, l’isométrie est évidente par le (2), et si on a une suite dans , on voit que converge par complétude comme ci-dessus et on obtient ainsi la surjectivité.
On vient de voir (en prolongeant la famille vide) qu’un espace de Hilbert séparable a une base dénombrable. Réciproquement, un espace de Hilbert à base dénombrable est isométrique à pour lequel donne une famille dénombrable dense. □
4.3 Exemples de base 1: Séries de Fourier
On va obtenir un premier exemple de base en utilisant le théorème d’approximation de Weierstrass.
Vous pouvez voir dans la section de compléments le corollaire A.10 pour une preuve probabiliste basée sur la loi faible des grands nombres.
Théorème 7.10 (d’approximation de Weierstrass).
Soit un compact de , les fonctions polynômiales (à coefficients réels ou même rationnels) sont denses dans .
En conséquence, est séparable et sa tribu borélienne est dénombrablement engendrée (c’est à dire admet une partie génératrice au plus dénombrable).
Remarque 7.7.
Le mouvement brownien sur , un objet probabiliste important (vu en M1) peut être défini comme une probabilité sur la tribu borélienne de .
Exemple 7.9.
Montrons que forme une base hilbertienne de :
D’abord, on sait que est dense car il contient qui est dense par le Théorème 6.12. Il s’agit donc presque de la complétion de l’exemple précédent.
Ensuite on vérifie l’orthonormalité :
Enfin, il reste à voir que est dense. Or, on a . Soit , soit On définit par . Il est facile de voir que est continue sur (utiliser selon le point comme carte coordonnée) donc par le théorème d’approximation de Weierstrass 7.10, il existe un polynôme tel que donc, si , on a D’où la densité voulue.
C’est la base des décompositions en série de Fourier.
4.4 Exemple de base 2: Polynômes d’Hermite
L’exercice suivant est corrigé à l’annexe E en section 3. Vérifier qu’une famille est orthonormée est toujours un exercice calculatoire.
Exercice 7.2.
Soit l’espace de Hilbert réel des fonctions de carrés intégrables pour la mesure gaussienne standard définie pour un borélien par . muni de la norme usuelle:
Soit
(et donc ). On appelle les les polynômes d’Hermite.
-
13.
Montrer que pour , est un polynôme de la forme:
-
14.
Montrer que est une famille orthonormale de .
Montrer le résultat de densité sous-jacent pour obtenir une base est souvent plus dur. Quand on ne peut pas utiliser un résultat connu, on utilise souvent la méthode qui consiste à montrer que l’orthogonale est en utilisant la proposition 7.5. On va donc déduire le résultat suivant de cela et du théorème d’inversion de Fourier:
Théorème 7.11.
Soit la mesure gaussienne standard sur . Alors la famille des polynômes d’Hermite est une base orthonormale de . En particulier, les polynômes sont denses dans qui est séparable.
Démonstration :
Montrons d’abord que la série converge dans .
On calcule la norme du terme général de la suite par orthonormalité de s :
Donc pour , . Donc est de Cauchy et donc converge dans . Quitte à extraire on sait qu’elle converge presque partout, donc sa limite ponctuelle sera aussi sa limite dans . Concluons que , définie par , est la limite. Il suffit donc de voir que pour tout :
Ceci équivaut, vu la définition de à
ce qui est la somme de la série de Taylor en évaluée en de (pour somme de série entière sur . Ceci est bien vérifié car la fonction du milieu est analytique par composée de fonctions analytiques sur (un polynôme et sont sommes de séries entières sur donc aussi leur composée).
Conclusion: on a .
On montre maintenant que toute fonction , orthogonale à est nulle. On peut supposer réelle en prenant partie réelle et imaginaire. Si orthogonale à tout on a et donc
Or si est équivalent à ce qui est le cas car est une mesure de probabilité et donc . Donc on a et par le théorème d’inversion de Fourier, presque partout, soit dans .
Bilan pour donc , d’où la densité voulue. □
On a utilisé le théorème suivant (peut-être vu en cours de probabilité, cf. annexe E section 4 pour la variante sur les mesures de probabilité, cf. aussi le livre de Rudin d’analyse réelle et complexe [7, Thm 9.11 et 9.12] pour )
Définition 7.5.
Soit la transformée de Fourier de est la fonction de :
On renvoie à la section E.4 pour une preuve du résultat fondamental suivant.
Théorème 7.12 (Théorème d’injectivité de la transformation de Fourier (admis)).
Soient deux fonctions On suppose que pour tout les transformées de Fourier sont égales :
Alors presque partout.
De plus, si alors est (égale presque partout à) une fonction continue :